Critique19. Februar 2019

«Grâce à Dieu» - La parole libérée

«Grâce à Dieu» - La parole libérée
© Filmcoopi AG

De passage au 69ème Festival international du film de Berlin, François Ozon décroche l'Ours d'argent pour ce 18ème long-métrage. Véritable chemin de croix pour les victimes du prêtre Preynat, le réalisateur signe ici une oeuvre citoyenne intense qui revient sur une affaire de pédophilie au sein de l’Eglise catholique française.

Dans le ciel du diocèse, Notre-Dame de Fourvière répond à Part-Dieu. D’aucuns y verraient des anges gardiens dans la capitale des Gaules, pourtant, entre les murs et protégé par la Sainte coupole du pardon, un animal pédophile accompagnera pendant 20 ans de jeunes enfants chez les scouts. Quatre décennies après, une plainte met le feu aux poudres et réveille la haine de dizaines de victimes du père Preynat (parfaitement écœurant sous les traits de Bernard Verley). Les prescrits rangés au placard, rien ébranle les chapeautés en soutane. Pourtant la création de l’association La parole libérée fait l’effet d’une bombe.

Loin de son canevas habituel, François Ozon défraie la chronique avec son nouveau long-métrage. Présenté au 69ème Festival international du film de Berlin, il décroche l’Ours d’argent avec ce film choral qui retrace le combat d’anciennes victimes d’un prêtre pédophile lyonnais. Une fiction basée sur des faits réels, d’hier et d’aujourd’hui. Hasard du calendrier, la sortie du film tombe en amont des procès et chatouille les avocats de la défense. Si Ozon condamne et chope à la gorge une institution coupable de silence, il s’agit moins de démêler les responsabilités de l’Eglise que d’étudier les effets de la parole libérée sur les victimes et leur entourage.

Une fresque à bords tranchants...

Et il fallait une distribution d’une sacrée trempe pour porter l’histoire. Avec les élégantes et magistrales interprétations de Denis Ménochet, Melvil Poupaud et Swann Arlaud (sans doute le plus magnétique à l’écran), Grâce à Dieu est à la fois abjecte lorsqu’il confronte Preynat à ses victimes, infâme quand Barbarin tolère, viscéral quand la caméra de Manu Dacosse renvoie à l’enfance, d’un charisme à refaire l’histoire quand Denis Ménochet s’en mêle, ou délicat lorsqu’il ouvre un débat plus large sur les violences sexuelles. Un film sur la parole, libérée. Une première partie épistolaire laissera place aux combats éclatés et éclatants des différentes victimes. Une facture, certes un brin conventionnelle, qui porte néanmoins son message avec puissance et humilité.

En bref !

Là où la justice tente de démêler les responsabilités, Ozon marche aux côtés des victimes, rend hommage à l’association La parole libérée et Grâce à Dieu devient une fresque à bords tranchants sur la libération de la parole et l’émancipation.

3,5/5 ★

Plus d'informations sur Grâce à Dieu.

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