Interview14. Oktober 2024 Cineman Redaktion
Claude Barras sur «Sauvages» : «Avec le peuple Penan, j’ai pris conscience de ce que je voulais raconter»
Après Cannes, Annecy, Locarno, Fantoche le FFFH ou encore Animatou, le très attendu «Sauvages» débarque enfin au cinéma, huit ans après «Ma vie de Courgette». Rencontre avec Claude Barras, artisan valaisan.
(Propos recueillis et mis en forme par Marine Guillain)
Cineman : Pour vous, qu’est ce qui est le plus fou dans le métier d’animateur ?
Claude Barras : Je crois que c’est le fait de travailler comme un artisan, avec ses propres mains, pour fabriquer quelque chose de tangible. Quand on met ces marionnettes en lumière et qu’on commence à les faire bouger, même pour nous, c’est un petit miracle, on a l’impression qu’elles sont vivantes.
Comment s’est déroulé l’enregistrement des voix, avec notamment Michel Vuillermoz (le méchant contremaître), Benoît Poelvoorde (le père de Kéria) et Laetitia Dosch (Jeanne, une biologiste)?
C.B : On a enregistré les voix en Belgique avec l’équipe qui s’occupe aussi du son post-prod. On était en studio et on a joué les séquences en bougeant, pour enregistrer les voix en action. C’est un peu comme une répétition de théâtre, l’idée est que ça sonne le plus naturel possible.
Certains personnages de «Sauvages» parlent en penan, la langue de l’ethnie dans laquelle se déroule le récit, mais d’autres utilisent des expressions suisses, telles que «Ya pas le feu au lac!»: d’où vient cette idée?
C.B : C’est la contribution de Laetitia Dosch! Elle a un rapport fort à la nature et aux animaux et j’aime beaucoup son humour, alors elle était parfaite pour être la voix de Jeanne, une biologiste suisse inspirée de Bruno Manser.
Justement, Bruno Manser, activiste écologiste suisse, vous a beaucoup inspiré pour ce long-métrage…
C.B : Oui, j’ai entendu parler de lui quand j’étais adolescent. Il était parti vivre dans la forêt et il a justement vécu avec le peuple Penan à Bornéo. Ses actions médiatisées contre les entreprises d’exploitation forestière m’avaient révolté contre notre société.
Et que vouliez-vous réellement raconter ?
C.B : La modernité nous a tous et toutes déraciné·es. Elle est censée nous permettre de vivre dans un monde plus libre, mais en réalité elle nous coupe des autres, de la nature et de la vie réelle.
L’histoire de «Sauvages» est-elle alors universelle?
C.B : Oui. Il y a des choses intéressantes dans la transmission entre les générations et la tradition. J’interroge tout cela dans le film et c’est ce qui le rend universel. J'espère qu'il va émouvoir et faire poser des questions sur le monde dans lequel on vit.
Peut-on parler de cinéma engagé?
C.B : Je pense que dès lors que je passe sept ans sur un film, ça doit venir des tripes. Selon moi, raconter une histoire est l’un des actes les plus politiques que l’on puisse faire.
Certains Penan sont venus au Festival de Cannes pour la première du film…
C.B : Oui, c’était incroyable qu’ils et elles soient là ! Ils m’ont beaucoup aidé, pour l’écriture du scénario, particulièrement pour les parties en lien avec la vie traditionnelle. Certains ont aussi fait des voix sur le film. On a essayé de représenter tous les détails de la façon la plus réelle possible.
Pour vous, quelle a été la plus grande différence entre «Ma vie de Courgette» et «Sauvages»?
C.B : La durée du film! On n’imagine pas, mais «Sauvages» dure 1h20, c’est presque 30% plus long que «Ma vie de Courgette», qui durait 1h06, donc la charge de travail est beaucoup plus volumineuse! De plus, les marionnettes de «Sauvages» sont plus sophistiqués et le décor plus complexe, car c’est un décor extérieur.
Comment avez-vous vécu le tournage à Martigny?
C.B : C’était un travail collectif extrêmement prenant, car on était concentrés en permanence. Mais en même temps, on était si bien préparés que c’était agréable, on a respecté les délais, tout le monde était à sa place. C’est un peu comme si l’on avait été dans une bulle magique durant huit mois.
Au cinéma le 16 octobre.
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