Interview4. Dezember 2023 Cineman Redaktion
Kim Higelin sur «Le Consentement», «J'ai été absolument bouleversée par le courage de Vanessa Springora»
La jeune actrice Kim Higelin est à l’affiche du film «Le Consentement», dans lequel elle joue une adolescente qui subit une relation d’emprise et de manipulation avec un homme de 50 ans. Succès inattendu en France, le long métrage sort enfin en Suisse romande.
(Propos recueillis et mis en forme par Marine Guillain)
Elle a 23 ans et fait partie des Révélations pour les Césars 2024. Après avoir tourné dans les séries «SKAM France» et «Plan B», Kim Higelin a décroché son premier rôle au cinéma dans «Le Consentement». De presque tous les plans, la caméra collée au visage, la comédienne incarne brillamment Vanessa Springora, jeune adolescente qui plonge dans une relation d’emprise avec le célèbre écrivain Gabriel Matzneff, qui a le triple de son âge. Mis en scène par Vanessa Filho («Gueule d’ange»), le film est directement adapté du livre à succès de Vanessa Springora, paru en 2000, dans lequel elle raconte ces années d’angoisse et de souffrance.
Pour Kim Higelin, incarner ce rôle a été une opportunité en or et une expérience intense. Des débuts prometteurs, avant qu’on ne la retrouve à l’affiche de «Juste avant la chute» de Virginia Bach et «Un champ de fraises pour l'éternité» d’Alain Raouste. L’actrice tournera aussi dans le prochain film de Franck Dubosc et travaille sur deux nouveaux projets de longs métrages avec Vanessa Filho.
Cineman: Kim Higelin, comment avez-vous obtenu le rôle de Vanessa Springora dans «Le Consentement»?
Kim Higelin: À cette époque, je commençais à découvrir le milieu du cinéma, auquel je ne connaissais pas grand-chose et qui s’est révélé très dur. Je traversais une période difficile et un peu down lorsque mon agent m’a parlé du casting pour «Le Consentement». Je ne connaissais pas l’histoire en détails, mais j'avais entendu parler des retombées du livre de Vanessa Springora et je savais qu'il avait participé en grande partie à la modification de la loi sur le consentement en France. Le lendemain, je suis allée acheter le livre, je l'ai lu et relu et encore aujourd'hui cette œuvre est un compagnon de route. J'ai été absolument bouleversée par le courage de Vanessa Springora, et sa force a été très contagieuse.
Ça a été le casting le plus important de ma vie, celui pour lequel j'ai le plus travaillé, où j'ai donné le plus de moi-même. J'ai passé un premier essai pour le rôle, j'ai ensuite revu la réalisatrice Vanessa Filho pour discuter autour d’un café, j'ai refait des essais toute une journée et deux semaines après, on m'a appelée pour me dire que j'avais le rôle. C’était un moment absolument extraordinaire.
Vous avez parlé d’une période difficile: pourquoi?
KH: Parce que c'est un métier ingrat, qui demande beaucoup d'endurance. D’abord, on prend beaucoup de rejets et il faut apprendre à ne pas se sentir nulle, à ne pas le prendre personnellement, à se dire que l’on ne correspond juste pas à ce que les gens veulent pour ce rôle-là. Pour moi, le plus dur, c'est qu'on lit un scénario, on s'attache à l'histoire, on vibre pour un personnage, on travaille dessus... Puis au casting, on a 10 minutes pour balancer le meilleur et droit derrière, on doit tout oublier et dire au revoir à quelque chose dont on ne va plus jamais entendre parler. Pour moi, chaque casting est une histoire d'amour très éphémère.
Ensuite, en tant que jeune fille, on est aussi confrontée à la misogynie. Et puis c'est un métier inégal en termes de temps et d'argent. Au moment du casting pour «Le Consentement», c'était très dur financièrement pour moi. Et comme j'avais joué dans une série, je ne passais des essais que pour de la télévision et j’avais peur d'être coincée dans une boîte dont je ne pourrai pas sortir. C’était déjà bien, mais je rêvais de jouer dans un film avec un message qui me renverse. «Le Consentement» est vraiment tombé au meilleur moment!
Comment avez-vous pris possession du personnage?
KH: J’ai eu besoin de mettre une grande distance entre Vanessa et moi, afin de ne pas me mettre en danger et de bien séparer son vécu du mien. J’ai donc créé une autre façon de me tenir, me marcher, je me suis rongée les ongles, laissé pousser les poils, j'ai modifié mon timbre de voix... Personne ne m’avait demandé de faire ça et j’ai travaillé ces aspects-là seule, au feeling. Ça m'a pris beaucoup de temps pour créer ce corps. Et comme Vanessa était beaucoup plus jeune que moi, j’ai aussi essayé de retrouver quelque chose de plus enfantin, un côté flottant et une connexion au monde différente, plus distante.
Comment avez-vous travaillé ensuite avec Jean-Paul Rouve, qui incarne Gabriel Matzneff?
KH: Déjà, il fallait que je puisse jouer l'émoi, l'amour, la fascination et l'admiration envers Gabriel Matzneff, alors que j'étais extrêmement en colère contre lui. Je me suis interdite de lire ses livres, mais je l'avais tout de même beaucoup étudié en amont, donc j'ai dû couper mes jugements et ma moralité pour arriver pure sur le plateau et jouer ces sentiments de manière neutre. Nous avons beaucoup discuté avant le tournage avec Jean-Paul, mais nous n’avons pas répété les scènes afin de ne rien abîmer et de pouvoir découvrir les sensations directement sur le plateau.
Une tendance TikTok où les jeunes se filment avant et après avoir vu le film est devenue virale et a fait grimper le nombre d’entrées en France, qui a dépassé le demi-million: est-ce que ça vous a surprise?
KH: Oui! La jeune génération ne va plus beaucoup au cinéma et là tout à coup, il y a eu des salles pleines, remplies de jeunes. Je crois que les femmes de moins de 25 ans correspondent à environ 40% du public du film. Ces jeunes ont sauvé le film, c'est exactement pour eux qu'on l’a fait et je trouve merveilleux que la nécessité du message ait été entendue.
Justement, qu’est-ce qui devait être entendu en priorité selon vous?
KH: Que la pédocriminalité est partout, tout le temps, un enfant en est victime toutes les trois minutes, c'est colossal. Que si des jeunes ont vécu une telle situation ou la vivent actuellement, ils et elles sachent qu'ils et elles peuvent en parler, qu’on les écoute et qu'on les soutient. Et que le film puisse peut-être aider certaines personnes à prendre conscience qu’elles sont sous emprise et à s’en sortir. La plupart des jeunes sont révoltés en sortant de la salle, trouvent que c’est un film difficile à regarder, mais nécessaire.
L’aventure du «Consentement» vous a visiblement profondément marquée: est-ce qu’il y aura un avant et un après pour vous?
KH: Oui, dans le sens où je sais que c'est ça que je veux faire. Avec ce film, j'ai la sensation que mon métier m'a acceptée et que j'ai trouvé ma voie.
Est-ce que vous vous êtes toujours imaginée actrice?
KH: J'ai voulu être avocate, architecte, psy, puis traductrice… je suis passée par beaucoup de questionnements, mais je faisais aussi un peu de théâtre et c'était l'endroit où je me sentais le mieux, donc j'ai décidé de tenter. J'ai fait deux boulots de serveuse en parallèle pour pouvoir me payer une école de théâtre et un appartement. Je passais plein de castings, même pour être figurante. J’avais découvert ma passion pour les émotions toute petite, avec les Disney. À quatre ans, je regardais «La petite sirène», j'apprenais les dialogues par cœur, je revenais en arrière, j'enlevais le son et je faisais la voix d’Ariel.
Mes parents m'ont toujours dit: «Tu arrêtes de vouloir être comédienne à huit ans, on ne te laissera pas faire ça, donc tu passes ton bac». Ils voulaient que je galère un moment, que j’apprenne la vie, que je m'en prenne plein la gueule avant de faire un métier qui brille. Ils ont eu totalement raison de repousser ça le plus loin possible! Commencer à 18 ans, c'est déjà tôt, mais passer par d’autres choses et avoir été serveuse pendant trois ans m'a beaucoup appris. Je n'aurais pas été la même personne aujourd'hui si je n'avais pas fait ça.
Votre père est metteur en scène et acteur, il est le frère d’Izïa Higelin et Arthur H, Jacques Higelin était votre grand-père… Est-ce un atout ou un bémol de faire partie d’une famille d’artistes?
KH: En fait, je les connais peu, je suis plus proche de la famille du côté de ma mère, et c'est parfois un inconvénient, car on m'en parle beaucoup. Lorsque j'ai fait «Plan B», on ne me parlait que de mon grand-père, que je ne connaissais pas, et pas du tout du rôle, j'ai trouvé ça très violent. Sur un de mes premiers castings, on m'a dit: «Ah, tu es une Higelin? Tu dois être hyper douée alors, vas-y!». Je n'avais que 17 ans et je me suis sentie obligée d'assurer, car d'autres avant moi avaient assuré. Avec la sortie du «Consentement», j'ai lu des commentaires sur internet disant que j'étais pistonnée. Ils ont dû se demander si mon grand-père avait passé un coup de fil depuis sa tombe. Mais au final, ça fait partie de moi, de mon histoire et il faut que je sois en paix avec ça. Et accepter que c'est aussi quelque chose de joli de porter ce nom.
Kim Higelin sera à découvrir à partir du 6 décembre prochain à l'affiche du film «Le Consentement»
Bande-annonce de «Le Consentement»
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