Interview7. November 2022 Cineman Redaktion
Lukas Dhont sur «Close» : «Je n'avais pas le courage d'assumer qui j'étais»
Après le poignant «Girl», caméra d'or au Festival de Cannes en 2018, le réalisateur belge prodigue de 31 ans revient avec «Close», cette fois gagnant d'un grand prix largement mérité. Il s'agit d'un drame aussi tendre que brutal sur l'amitié, la fin de l'enfance et la pression de la masculinité. Sur la Croisette, Lukas Dhont s'est confié à nous en toute sincérité.
(Propos recueillis et mis en forme par Marine Guillain.)
Cineman: En mai dernier, votre film «Close» a bouleversé la Croisette et de nombreux spectateurs le pressentaient pour la Palme d'or. Comment mettez-vous autant d'émotion à l'écran?
Lukas Dhont: J'essaie de commencer par quelque chose de personnel, qui me touche profondément. Puis j'essaie de voir comment je peux toucher de manière universelle. Je tente de trouver les émotions fortes qui sont en nous, dans notre âme, et de les mettre à l'écran grâce à des comédiens ou des comédiennes qui sont capables de communiquer avec leur corps et leur regard des émotions très fortes. Ensuite, j'espère que le spectateur puisse les ressentir!
C'est pour cette raison que vous avez choisi le thème de l'amitié?
LD: Oui. Adolescent, j'avais moi-même peur des amis masculins, car on pouvait vite être jugé. J'ai perdu des amitiés très importantes car j'étais sur la retenue. Cette histoire est très personnelle, mais l'amitié par contre, c'est quelque chose de très important pour tout le monde, on en a tous besoin, ça définit qui nous sommes. Tout le monde a déjà perdu un ou une amie, et c'est un sujet que je n'ai pas souvent vu à l'écran.
Dans «Close», deux amis fusionnels, Léo et Rémi, entrent dans l'adolescence. Léo change pour s'adapter aux autres, tandis que Rémi reste lui-même... Ce dernier est donc plus proche de vous?
LD: Oui, je me suis beaucoup adapté aux autres en étant jeune car leur regard comptait beaucoup pour moi. C'est dommage, mais à cet âge-là, je n'avais pas le courage d'assumer qui j'étais. Je me suis conformé à une idée, à une norme. En fait, lorsque j'étais enfant et adolescent, j'étais comédien, je jouais une version de moi qui n'était pas le vrai moi.
La pression de la masculinité y est pour quelque chose...
LD: Oui, je voulais aussi parler de ça. Montrer une amitié entre garçons qui soit belle, pure, intime, physique... et puis qui change à l'adolescence. Cette tendresse fragile passe soudain à quelque chose de plus brutal. Dans la société actuelle, nous sommes habitués à des images d'hommes au combat, à des images toxiques. Certains comportements sont liés à l'idée d'être un homme et je voulais aller à l'encontre de ça.
Comment avez-vous choisi vos acteurs?
LD: J'ai rencontré Eden (Dambrine, qui joue Léo, le personnage principal, NDLR) dans un train. Il avait 12 ans, je venais d'écrire les premières phrases du scénario et je le voyais de loin parler avec ses amis. Je l'ai trouvé incroyable et je suis allé lui demander s'il voulait faire un casting. Lorsqu'il a rencontré Gustave (De Waele, qui joue Rémi), il y a eu une telle connexion entre eux que ça m'a paru une évidence.
Comme pour «Girl», vous travaillez à nouveau avec des adolescent-e-s: est-ce difficile?
En fait c'est très excitant! C'est un vrai challenge, mais ces jeunes donnent tellement d'eux-mêmes! Le casting est très important quand on travaille avec des ados qui n'ont pas d'expérience de jeu. Je les laisse interagir et jouer entre eux, et je regarde comment ils se comportent, les uns avec les autres, en groupe... Et surtout, comme avec Eden et Gustave, je leur laisse vraiment la liberté d'être eux-mêmes.
Un film à découvrir au cinéma dès le 9 novembre.
Plus d'informations sur «Close»
Bande-annonce
La rédaction vous recommande aussi:
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement