Critique7. Juni 2022 Emma Raposo
«Irma Vep» - Alicia Vikander en vamp devant l’objectif d’Olivier Assayas
Olivier Assayas s’essaie pour la première fois au format sériel en adaptant «Irma Vep», film qu’il a réalisé il y a plus de deux décennies. Avec l’oscarisée Alicia Vikander dans le rôle principal, la série propose également une jolie guirlande d’actrices et d’acteurs français s’amusant à caricaturer le monde tragi-comique du 7e art.
Mira (Alicia Vikander) débarque à Paris pour tourner dans une série dirigée par l’inconstant René Vidal (Vincent Macaigne). Actrice hollywoodienne de premier plan, plus habituée des blockbusters et des suites présidentielles, Mira est lassée des rôles sans consistance que lui propose son agent. Le rôle d’Irma Vep tombe à pic : la jeune femme, désillusionnée après une rupture sentimentale, a besoin d’un bon coup de fouet dans sa carrière et sa vie personnelle.
Une série dans la série après avoir été un film dans le film, la mise en abyme proposée par Olivier Assayas a de quoi décontenancer. On rembobine pour y voir plus clair. «Irma Vep» c’est d’abord un film réalisé par le cinéaste français en 1996. Le métrage y racontait les coulisses du remake d’un film muet de Louis Feuillade de 1915, «Les Vampires», porté par une actrice chinoise fraîchement débarquée de Hong Kong et interprétée par Maggie Cheung.
«Irma Vep» à la sauce 2022, c’est une série en 8 chapitres, version rénovée du film éponyme, qui suit cette fois, non pas une star asiatique, mais américaine venue tout droit de Los Angeles pour jouer la vamp dans une série réalisée par un cinéaste français peu stable psychologiquement.
Présentée en avant-première mondiale au Festival de Cannes en mai dernier, la coproduction HBO et A24, écrite et réalisée par Assayas, se joue de tout et de tous. Satire du monde du cinéma, de ses pires travers et des gens qui le peuplent, la série dépeint les vices et les contradictions qui traversent le milieu du 7e art.
«Irma Vep» donne l’occasion au cinéaste français d’approfondir ce qu’il avait entrepris 26 ans plus tôt...
Une star blasée dont tout le monde profite, un réalisateur borderline, des acteurs en mal de popularité ou accro au crack, «Irma Vep» cloue au pilori aussi bien les broyés du star-system que l’industrie du cinéma elle-même, ses mutations et tous les questionnements qui en découlent, en y insufflant toujours suffisamment d’humour pour ne pas flirter avec un ton accusateur.
On se rappelle qu’Olivier Assayas sait y faire. Le réalisateur de «Sils Maria» (2014) et «Personal Shopper», prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2016, signe, à la réalisation comme à l’écriture, l’intégralité des épisodes. Impeccablement exécutée, la série intègre des images originales du film de Louis Feuillade venant faire écho aux images contemporaines. Une série, ou plutôt un long film, «Irma Vep» donne l’occasion au cinéaste français d’approfondir ce qu’il avait entrepris 26 ans plus tôt.
Et il y a bien sûr Alicia Vikander pour tenir la barre. L’actrice suédoise, récompensée aux Oscars pour sa performance dans «Danish Girl» en 2016, incarne sobrement celle que Maggie Cheung et Musidora incarnaient avant elle. Il y a également un casting français sans qui la série aurait assurément moins de piquant.
Vincent Lacoste, Nora Hamzawi, ou encore Jeanne Balibar dans des rôles secondaires furieusement efficaces pour donner un ton décalé et humoristique au programme. En tête de gondole, on retrouve Vincent Macaigne, désopilant, incarnant un réalisateur à côté de ses pompes que la seule présence suffit à amuser.
Disponible sur HBO dès le 6 juin, et sur OCS à partir du 7 juin, «Irma Vep», remake du film éponyme d’Olivier Assayas, pointe du doigt le cinéma dans ses grandes lignes. Autant une critique qu’un hommage au 7e art, la série imaginée par le cinéaste questionne cette industrie à travers une myriade de personnages, tous en proie à leurs démons et interprétés par une bande d’actrices et d’acteurs sensationnels. Entre drame et comédie, «Irma Vep» est le petit plaisir sériel de ce printemps.
4/5 ★
Bande-annonce
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