Critique24. August 2021 Cineman Redaktion
«Kleine Heimat» - Nouveau départ au crépuscule
Le changement fait partie intégrante de nos vies. Mais comment y faire face quand le temps nous manque ? Quand le nombre d’années qui nous restent est incertain ? Projeté au festival du film de Zurich, le documentaire de Hans Haldimann introduit trois âmes du quatrième âge, touchantes et hautes en couleur.
(Critique de Björn Schneider, adaptée de l'allemand par Maxime Maynard)
Octogénaires et nonagénaires, Hanni, Rosa et Kurt sont les derniers de leur génération à encore vivre dans un des lotissements du quartier Leimbach à Zurich. Ce fut leur foyer pendant 60 ans, et jamais ils n’auraient imaginé devoir déménager. Pourtant, leur habitation va devoir laisser place à de nouveau bâtiments, et c’est au crépuscule de leurs vies qu’ils se lancent à la recherche d’une nouvelle demeure. Trois ans durant, Hans Haldimann les a accompagnés dans leur quotidien.
Nos trois grands séniors ont eu une existence bien remplie. C’est toute une vie qu’ils doivent laisser derrière eux. Des souvenirs recouvrent chaque mètre carré du lotissement. Avec un œil délicat, Haldimann les suit dans leur quête. En chemin, l’émotion devient palpable ; le passé est évoqué. Dans les recoins de leurs existences, les réminiscences se dessinent. Devant la colline voisine, ils se souviennent de ces journées d’hivers, des enfants riants, dévalant les pentes enneigées. C’était un paradis, parfait pour les jeunes familles. Des familles du monde entier, qui avaient trouvé leur place ici. Embrassant le voisinage du regard, Rosa s’exclame «je suis l’une des dernières des Mohicans».
«Kleine Heimat» est un concentré d’émotions...
Mais si le passé est ravivé, si la nostalgie est présente, Hanni, Rosa et Kurt ne tombent jamais dans la mélancolie. Malgré les défis, ils continuent de vivre activement dans le moment présent. Kurt, veuf, profite de sa relation avec sa nouvelle partenaire Rosa. Il n’est jamais trop tard pour aimer. Hanni, agile et vive, trottine avec l’aisance d’une jeunesse qui ne veut la quitter. C’est à pied qu’elle se promène, à droite, à gauche, malgré les reliefs environnants. «Mes pieds sont habitués», commente-t-elle pince-sans-rire. Dans leur âge avancé, ils ne perdent pas leur soif de vivre, leur force d’âme. Une énergie émane du film et rayonne dans nos cœurs, nous réchauffe de l’intérieur.
La compagnie d’assurance n’est pas incriminée. Elle ne semble en aucun cas encombrer leurs pensées. Si l’appât du gain l’a rendu peu soucieuse des conditions de vie des locataires déplacés, ni Haldimann, ni Harry, Rosa et Kurt ne formulent de critiques. Nos trois protagonistes d’exception restent optimistes. Cette positivité est contagieuse. Les soucis ne pouvant être évités, ils les acceptent pour ce qu’ils sont et continuent d’avancer. C’est enveloppé d’une aura de légèreté que le réalisateur les accompagne patiemment dans ce lent processus de deuil et de transition. Nous les suivons jusqu’au bout ; jusqu’à l’apparition des excavatrices.
«Je suis l’une des dernières des Mohicans»
«Kleine Heimat» est un concentré d’émotions. Il évolue en douceur, se développe calmement, sans précipitation. Les moments les plus anodins deviennent vecteurs de cette subtilité ; un rendez-vous chez les coiffeurs, ou en faisant les courses, la finesse du montage berce et ponctue l’ordinaire. Car si film ne se veut ni haut et fort ni dénonciateur, c’est à travers ces petits moments de la vie quotidienne que perce son regard critique. Un ton narratif discret et sensible qui nous accroche, nous transporte, nous pénètre.
4/5 ★
Le 25 août au cinéma. Plus d'informations sur «Kleine Heimat».
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