A l'occasion de la sortie de Knock de la réalisatrice Lorraine Levy, revenons un peu sur l'histoire de ce classique.
Aux sources d’un classique...
En 1923, de l’autre côté du Rhin se profile l’une des plus grandes tragédies du 20ème siècle. Trois ans auparavant, le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) vient d’être fondé. La classe politique devient favorable à l’eugénisme, prône la suprématie de la race aryenne et la médecine devient alors une arme de propagande politique. C’est dans ce contexte de terreur sociale que Jules Romains imaginera sa célèbre pièce intitulée non sans humour, Knock ou le Triomphe de la Médecine.
Présentée pour la première fois à Paris en décembre 1923 à la Comédie des Champs-Élysées, et mise en scène par le divin Louis Jouvet, la pièce passera à la postérité dans les bras du cinéma. Chez René Hervil en 1925 d’abord, puis chez Roger Goupillières avec Louis Jouvet qui campe déjà le rôle titre. Il reprendra le personnage au théâtre en 1935 et 1938. L’acteur tient néanmoins à réadapter la pièce pour l’écran et confie le projet à Guy Lefranc dont c’est la première réalisation en 1951.
"Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent "
Alors que le docteur Parpalaid vient de céder les parts d’un cabinet sans clientèle au docteur Knock, celui-ci pressent l’entourloupe et comprend vite que deux visions de la médecine s’affrontent. Le gentillet docteur Parpalaid rassure et dédramatise. Seule une clientèle en fin de parcours dispose d’une attention plus régulière, mais Knock possède une toute autre vision : "Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent". Vaste projet s’il en est, mais Knock est un tartuffe, un escobar et entend bien prêter à son entreprise un concours favorable. De mèche avec l'instituteur pour l’instruction des plus jeunes, il promet la fortune au pharmacien et confiera au tambour de la ville l’écho de sa publicité. Consultations gratuites le lundi matin, le docteur a l’ordonnance attractive. Knock est un diseur de mauvaises aventures. Très vite, ses théories alitent tout le village. Les Saint-Mauriciens sont diagnostiqués souffrants, crampés par la diète, et les caisses se remplissent, car oui, le teint blafard ça rapporte !
Et en effet, c’est bien de cela dont nous parle entres autres, la pièce de Jules Romains: La manipulation par le matraquage idéologique médical. Mediator, Levothyrox … Écrit en 1923, la pièce résonne encore. Le nom du personnage de Knock est d’ailleurs librement emprunté au film de Murnau “Nosferatu le vampire” (1922). Dans cette histoire, Nosferatu décime l’équipage de son voilier en amenant la peste. Et comment s’appelle l’un de ses disciples? Allez devinez ! Tout juste: Knock ! Et dans la pièce de Jules Romains, le truculent docteur fait ses classes sur un navire dont l’équipage tombe malade … Étonnant! La boucle est bouclée, NSDAP, Nosferatu, Knock, nous avons connu des morales plus charmantes.
66 ans après, Omar Sy devient Knock !
66 ans après la version de Guy Lefranc, la réalisatrice Lorraine Lévy nous dévoile une interprétation très personnelle du classique. Huit années d’un travail acharné. Un scénario qui d’abord devait raconter l’histoire du point de vue de Jules Romains qui, apprenant la mort de Knock, consulte ses carnets reçus en héritage. Puis des réécritures et une lutte avec les financiers qui la somment de traiter du racisme si Omar Sy se greffe au projet. Bref, tribulations classiques mais néanmoins assommantes pour la réalisatrice qui persiste. Elle attendra d’ailleurs qu’Omar Sy se dégage de ses obligations pour commencer le tournage. Donc Omar Sy, oui ! Mais racisme, non! La réalisatrice propose en effet une version plus solaire mâtinée d’une musique orchestrale. Émancipé d’une ambition politique à la Jules Romains, le projet pourrait sembler simplet. Alex Lutz qui interprète le curé s’en étonnait d’ailleurs : “En lisant le scénario de Lorraine, j’ai pensé : «Ok, elle en a fait un Knock sympa !» Et puis, non : comme toujours chez elle dont j’adore l’univers, tout est subtilement nuancé. Elle réussit à y mettre l’ambition – l’ambition folle…”-. Lorraine Lévy éloigne Knock des fantômes de l’entre-deux-guerres et plonge son histoire dans les années 50 pour centrer sa réflexion sur la place de l’étranger. Ludique, fragile, le film est à découvrir dès 18 Octobre dans les salles romandes.
La bande-annonce
FR - 2017 - Comedy
Réalisateur: Lorraine Levy
Acteur: Omar Sy, Ana Girardot, Alex Lutz, Sabine Azema
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