Critique29. September 2021 Cineman Redaktion
«Les guérisseurs» - Blouse blanche ou tambourin, le but reste d’aider l’humain
Projeté en compétition nationale au festival Visions du Réel à Nyon en 2021, Les guérisseurs, premier long-métrage de la réalisatrice Marie-Eve Hildbrand, dresse un portrait sensible et raisonné de la médecine aujourd’hui, entre ce que signifie être soignant et être soigné.
(Critique par Laurine Chiarini)
À l’aube de la retraite, Francis Hildbrand, médecin généraliste et père de la réalisatrice, enchaîne les consultations : tour à tour psychologue, prescripteur ou confident, il partage temps et attention entre ses patients, allant du nouveau-né à l'arrière-grand-mère, sans parvenir à trouver de successeur. Alors que l’un part, les autres arrivent : en parallèle, le film suit le parcours d’étudiants en médecine, et en particulier celui de Lorena, jeune femme positive, mais non dépourvue de doutes. Offrant une réflexion globale sur la mise en œuvre du verbe « soigner », insistant sur l’importance du lien entre patient et praticien, Les guérisseurs propose également un rapprochement entre médecine allopathique et alternative, qui, sans prétendre prendre la place l’une de l’autre, peuvent être complémentaires.
« On n’existe que grâce aux autres ; seul, on meurt. » : c’est sur cette phrase en voix off que s’ouvre le film. À l’écran, une forme blanche et floue, aux contours changeants, remue dans une hypothétique boîte de pétri : est-ce le « timelapse » d’une bactérie en train de se démultiplier ? Il s’agit en fait de la silhouette d’un homme gesticulant, film expérimental de quelques secondes tourné aux États-Unis en 1890 pour tester le format cylindrique du kinétoscope, cinq ans avant les frères Lumières. Hommage aux origines du cinéma et mystère aux contours insaisissable, « Monkeyshines n°1 », nom de l’essai, suggère aussi que fixer un sujet sur la pellicule ne permet pas d’en comprendre l’entier des détails, postulat que l’on retrouve tout au long du film qui, de questions soulevées en pistes suggérées, n’impose rien comme évidence.
Une réflexion globale sur la mise en œuvre du verbe «soigner»...
Mais pourquoi soigne-t-on ? Cette question, autant débattue parmi les jeunes étudiants qu’illustrée par le généraliste, met au centre l’empathie, le courant qui permet d’activer le lien entre deux personnes. « Les guérisseurs », c’est aussi un film de l’attention : celle qui, intellectuelle, permet à l’étudiante d’assimiler d’innombrables quantités de textes, gestes et connaissances techniques. Mais l’attention, c’est également l’importance portée à l’autre : dans le film, cela se traduit par des plans souvent rapprochés qui, passant ensuite aux gros plans sur les visages, s’arrêtent sur l’intensité d’un regard concentré, entièrement porté sur l’autre, ses paroles, ses gestes, dans l’espoir d’en découvrir le plus possible derrière ce qu’il dit – ou ce qu’il tait – pour apporter le bon geste, poser le bon diagnostic.
Alors que le titre « Les guérisseurs » pourrait laisser croire à un sujet de médecine alternative, il n’en est rien : la force du film réside dans les multiples facettes sous lesquelles est exposé l’exercice de la médecine et dans l’absence de tout jugement de valeur. Ainsi, lorsqu’une Lorena stressée par ses études va consulter une guérisseuse, l’écoute et le soutien qu’elle reçoit ne sont en rien rabaissés vis-à-vis des solutions allopathiques. En Chine, raconte un étudiant, un robot a passé brillamment son examen de médecine : est-ce pour autant que, demain, les humains seront soignés par des machines ? Rien n’est moins sûr, à voir les réponses parfois farfelues du robot face à une représentante des autorités. Aujourd’hui comme demain, le facteur humain, indispensable, n’est pas encore remplaçable.
4/5 ★
Le 29 septembre au cinéma. Plus d'informations sur «Les guérisseurs».
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