Critique11. Januar 2019 Theo Metais
«L'incroyable histoire du Facteur Cheval» - Une déclaration d’amour devant l’éternité
Après «De toutes nos forces» en 2014, Nils Tavernier retrouve Jacques Gamblin dans une fresque sur la vie extraordinaire de Joseph Ferdinand Cheval, un employé des postes qui durant 33 ans a érigé de ses propres mains un palais pour sa fille. Un monument de l’architecture naïve achevé en 1914, classé monument historique en 1969 par André Malraux et dont l’histoire poétique déployée à l’écran est d’une tendresse réconfortante.
Hauterives, fin du 19ème. Rêveur invétéré et randonneur romantique, chaque jour Joseph Ferdinand Cheval (Jacques Gamblin) crapahute sur près de 30 kilomètres pour accomplir ses tournées de facteur. L’homme est peu bavard, il communique ailleurs, il se dit un ami du vent, des arbres et des oiseaux. Alors qu’il enterre sa femme et qu’on lui arrache son fils, son supérieur (Bernard Le Coq) étend le périmètre de sa tournée, la marche apaise. Un jour, il rencontre une certaine Philomène (Laetitia Casta), elle lui donnera une fille, Alice, il lui construira un palais, le «palais idéal».
Après 30 ans de service, c’est une épopée équivalente à 5 fois le tour de la Terre, plus de 200 000 km parcourus à pied et sans jamais avoir quitté la Drôme. Le palmarès du facteur est herculéen. Laconique, Cheval a le sens de la maxime, mais l’amour est une chose indicible. À peine lettré, c’est en déchiffrant quelques lignes d’un magazine sur le temple Angkor que l’inspiration lui viendra. D’aucuns le disaient simplet, mais pour la postérité, il restera l’un des grands poètes du «faire». Il l’écrira lui-même : « Pour arriver au but, il faut être têtu ». La fièvre durera 30 ans, pierre après pierre, à raison de 10 heures par jour; une dévotion métaphysique pour une déclaration d’amour à sa fille qui appartient désormais à l’histoire.
Méticuleux, profond, magnifique et vibrant de silences ...
Voyageur contemplant une mer de montagnes, la vie de Cheval pourrait être un tableau de David Friedrich, à la croisée des mondes. Drapé d’une belle photographie, hommage est rendu à la sagesse de la Drôme, aux paysages et aux montagnes qui jalonnèrent la vie du «wanderer». L'incroyable histoire du Facteur Cheval n’en reste pas moins d’une facture, certes élégante, mais assez convenue et expose en guirlande tout ce que nous pouvions attendre d’un film de cette trempe. Sans doute faudra-t-il aussi passer sur la partition plutôt mineure de Laetitia Casta, malheureusement en marge d’un Jacques Gamblin, lui, méticuleux, profond, magnifique et vibrant de silences. Les non-dits comptent parmi les perles précieuses du récit.
En bref !
Une vie fabuleuse et plus de 30 ans de travaux proposés à l’écran dans un écrin de délicatesse. L'incroyable histoire du Facteur Cheval se leste néanmoins d’une narration inégale, comme s’il voulait parfois trop en dire de la vie d’un homme. Et si le métrage de Nils Tavernier se révèle être d’une facture attendue, la prestation de Jacques Gamblin, elle, est de l’ordre du petit miracle.
3/5 ★
Plus d'informations sur L'incroyable histoire du Facteur Cheval.
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