Critique4. Dezember 2018

«Liquid Truth» - Toucher le fond de la piscine

«Liquid Truth» - Toucher le fond de la piscine
© Trigon

Deuxième film de fiction de la réalisatrice brésilienne Carolina Jabor, «Liquid Truth» raconte la descente aux enfers d’un enseignant de natation accusé d’attouchements sexuels sur un enfant de huit ans. Au-delà de l’extrême sensibilité du sujet, le film démontre surtout l’ampleur que peuvent avoir les réseaux sociaux et la rapidité avec laquelle une vie peut être détruite. Saisissant!

Rubens (Daniel de Oliveira), la trentaine, est un charismatique professeur de natation travaillant dans un club privé. Un jour, l’un de ses élèves, Alex, huit ans, rapporte à sa mère que Rubens l’aurait embrassé sur la bouche dans le vestiaire avant une compétition. Paniquée, la mère d’Alex informe les autres parents sur le groupe WhatsApp du club, avant que l’accusation ne se propage ensuite sur les réseaux sociaux. Lynché de toutes parts mais clamant son innocence, Rubens devient rapidement l’homme à abattre.

On ne saura jamais véritablement ce qu’il s’est passé dans ces vestiaires. Carolina Jabor laisse planer le doute quant à la culpabilité de Rubens en omettant volontairement de montrer la scène en question. Mais peu importe car le mal est fait : impossible pour le professeur de natation de redorer son image une fois l’accusation proférée. Au contraire, le lynchage qu’il subit, d’abord sur les réseaux sociaux puis dans son quotidien, est d’une rare violence et témoigne de l’ardeur avec laquelle la société actuelle juge et condamne en un seul clic.

Et si la mère avait déformé les propos de son fils ?

En privilégiant les longs plans fixes et les scènes avec peu de personnages, Carolina Jabor donne de l’espace à ses acteurs pour qu’ils puissent convenablement s’exprimer. En prêtant attention aux dialogues, on remarquera notamment l’apparition de subtilités scénaristiques. Et si la mère avait déformé les propos de son fils ? Et si le collègue de Rubens ne cherchait qu’à prendre sa place ? Et si la directrice du club préférait défendre son club plutôt que son employé ? Extrêmement riche, le scénario de Lucas Paraizo s’avère plus complexe qu’il n’y paraît et propose différentes lectures.

Mais paradoxalement, le fait qu’on ose remettre en doute la parole d’un enfant sur un sujet aussi grave qu’une agression sexuelle dérange un peu, tout comme le fait de présenter Rubens comme la victime principale. En plein mouvement de libération de la parole, ce choix semble particulièrement osé et risque de déstabiliser certains spectateurs. Il aurait sans doute été plus sage de lever l’ambiguïté pour éviter toute forme de confusion, même si le long-métrage aurait alors perdu de son originalité.

En bref !

En abordant le complexe sujet de la pédophilie, Liquid Truth décrit avec précision et ingéniosité les dérives des réseaux sociaux et la violence du lynchage virtuel qui peut s’en suivre. La réalisatrice Carolina Jabor fait également le choix audacieux de ne pas fournir toutes les réponses et de laisser au spectateur le soin de juger de l’action et des propos de ses personnages.

4/5 ★

Plus d'informations sur Liquid Truth.

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