Critique19. Dezember 2023 Theo Metais
Critique de «Voyage au pôle Sud», vertige horizontal des espaces infinis
Explorateur et réalisateur oscarisé pour «La Marche de l'empereur» en 2006, Luc Jacquet, empoigne sa caméra et son amour du pôle Sud pour un voyage là où seuls quelques pas suffisent pour faire le tour du monde.
(Depuis Locarno 2023)
Luc Jacquet n’en est pas à son premier voyage. Rompu à l’exercice, le voilà une fois encore happé par le souffle inexprimable du pôle Sud. Un continent d'où le cinéaste nous rapporte les images et le récit singulier de ses hôtes. Il y aurait quatre portes pour s’y rendre et avec son équipe de fortune, ils bourlinguent de la cordillère des Andes, jusque sur les eaux redoutées du Cap Horn. Et sur un lavis de blanc polaire, bientôt apparaissent la glace, les léopards de mer et les premiers manchots.
Écologue de formation, la première fois qu’il part en Antarctique, c’est à 23 ans, en 1992. Biologiste et chef opérateur sur des documentaires animaliers, il déploie ensuite le vertige du 7ᵉ continent sur des écrans de cinémas jusqu’à siffloter en 2006 un merci à l’Académie des Oscars un pingouin à la main. «La Marche de l'empereur» le porte au firmament des grands explorateurs-cinéastes du monde. Collaborant avec Francis Hallé («Il était une forêt», 2013) et feu Claude Lorius («La glace et le ciel», 2015), les œuvres de Luc Jacquet sont autant des invitations baudelairiennes aux voyages que des récits de sensibilisation. Et sur la Piazza Grande de Locarno, «Voyage au pôle Sud» a prolongé ce noble dessein.
Pour sortir de la description documentaire et aller à l’essentiel, confie-t-il, ce voyage se pare d’une photographie en noir et blanc, laquelle capte la symétrie majestueuse du pôle à la manière d’un Sebastião Salgado. Un point de vue sur la nature, une démarche personnelle revendiquée, narrée par Luc Jacquet lui-même, et dont les aphorismes parsèment cette périlleuse expédition. De la cordillère des Andes jusqu'au Cap Horn, invoquant Magellan, le souvenir des grands circumnavigateurs, lisant Olivier Remaud («Penser comme un iceberg»), le cinéaste nous immerge dans sa passion gargantuesque pour ce continent immaculé.
Au plus proche de la faune des glaces, Luc Jacquet s’émerveille de la tendresse des manchots, de la naissance d’un jeune léopard de mer ; «Voyage au pôle Sud» est une proposition orale et intime à laquelle il faudra être sensible, et qui pourra tenir à distance quiconque souhaiterait se laisser envouter en silence par la poésie des images. Un moindre mal qui n’enlève rien à la grâce de ce continent magnétique et au message écologique de Luc Jacquet.
3,5/5 ★
Le 20 décembre 2023 au cinéma.
Plus d'informations sur «Voyage au pôle Sud».
Bande-annonce de «Voyage au pôle Sud»
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