Critique21. Mai 2024 Theo Metais
Critique de «Première affaire», liaisons dangereuses au pénal
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Victoria Musiedlak nous plonge dans les arcanes professionnels et sentimentaux d’une jeune avocate. Un film présenté dans la section Piazza Grande au Festival de Locarno 2023. Une étonnante découverte.
À 26 ans, Nora (Noée Abita) vit encore chez sa mère à Paris. Jeune diplômée en droit, elle travaille dans un cabinet d’avocats d’affaires et se retrouve en charge de sa première affaire pénale à Arras. Une fillette a disparu, et elle s’occupe de la garde à vue du principal suspect (Alexis Neises). Le policier en charge de l’affaire (Anders Danielsen Lie) est persuadé de sa culpabilité alors que Nora tente de comprendre le récit de son client.
Récit initiatique, fable émancipatoire, Noée Abita («Ava», «Les Passagers de la Nuit») donne vie à ce personnage à l’orée de biens des bouleversements. Catapultée sur le devant d’une sombre réalité juridique alors qu’elle doit représenter un jeune homme accusé de meurtre, Nora éclot, contentieusement, mais avec naïveté et maladresse, jusqu’à tomber dans les bras du policier, incarné par un Anders Danielsen Lie («Julie (en 12 chapitres»). Court-circuitant ainsi la procédure, quelque part entre «Les Liaisons Dangereuses» de Laclos et le souvenir du «Silence des agneaux», Victoria Musiedlak emploie son admiration pour l’œuvre de Raymond Depardon pour conter avec réalisme et véracité le récit de cette jeune femme.
Issue de l’immigration algérienne et d’une famille encore traumatisée par les horreurs de la décennie noire, Nora est autant aliénée par les traumas et les valeurs morales inculquées par sa mère que fascinée par l’envie de s’ouvrir à elle-même. Fluette, maternée, elle deviendra beaucoup plus féroce, transcendée par cette affaire au pénal. Inspirée par une histoire dans son entourage ; la cinéaste confie d’ailleurs avoir souhaité filmer la manière dont les métiers façonnent les êtres. Un film un peu érotique, juridique et carcéral, et si certaines scènes s’étirent inutilement, la double interprétation du titre «Première affaire» pendra ici tout son sens. Pas sûr que le film ne captive au-delà de ce qui est montré à l’écran, mais pour son premier long-métrage, Victoria Musiedlak a dévoilé un récit complexe et une belle étude de personnage.
3,5/5 ★
Au cinéma à partir du 22 mai.
Plus d'informations sur «Première affaire».
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