Critique14. Dezember 2022 Emma Raposo
«Nanny» sur Prime Video : Le pire cauchemar d’une mère
La réalisatrice américaine Nikyatu Jusu signe un premier long métrage, un récit entre drame familial et épouvante mystique, à travers l’histoire d’Aisha, une immigrée sénégalaise qui a quitté son pays pour une vie meilleure aux États-Unis.
Aisha (Anna Diop) débarque dans l’Upper East Side et se fait embaucher comme nounou. Sa mission est de prendre soin de Rose, la fillette d’un riche couple de blancs. Immigrée sénégalaise sans papiers venue vivre le rêve américain, Aisha veut surtout gagner assez d’argent pour que son fils puisse la rejoindre. Resté au pays, le petit garçon vit au rythme des appels téléphoniques et autres FaceTime avec sa mère, une séparation aussi déchirante pour la maman que pour l’enfant.
Au fil des jours, Aisha constate que tout ne tourne pas rond dans la famille pour laquelle elle travaille. De plus, la jeune femme est prise d’hallucinations et de cauchemars perturbants. Ils sont le fait de Mami Wata, figure mythologique africaine. Pire, ces hallucinations à répétition se révèlent dangereuses et menacent la vie qu’elle avait imaginé pour sa famille.
Nikyatu Jusu propose une histoire tristement banale. Une immigrée africaine qui débarque dans les beaux quartiers de New York pour s’occuper de l’enfant d’une riche famille, obligée de délaisser son propre enfant. Le paradoxe est cruel et l’injustice l’est tout autant. La réalisatrice américaine traite de l’oppression latente d’une classe sur l’autre, symbolisée par une kyrielle de petits détails éparpillés tout au long du métrage, des sacrifices des classes modestes et de l’auto-centrisme des classes privilégiées qui n’ont pas le sens des réalités et du devoir.
Mais au-delà de la fresque sociale, «Nanny» dépeint un drame, celui d’une femme forcée de quitter son enfant. Faites de teintes saturées, la très belle photographie de Rina Yang, tantôt froide, tantôt chaude pour retranscrire les différentes ambiances, met magnifiquement en valeur ses protagonistes, notamment Aisha incarnée par la sublime Anna Diop, ensorcelante. Chaude lorsque Aisha est en terrain familier, froide quand il s’agit de la ville, ou de la chambre dédiée à la jeune femme dans l’appartement de ses employeurs. Là, l’atmosphère y est malaisante: une maîtresse de maison (Michelle Monaghan) au comportement oppressant, et son mari (Morgan Spector) aux agissements déplacés.
Et c’est peut-être bien ce malaise planant créé de façon très habile par Nikyatu Jusu qui aurait mérité d’être creusé et qui aurait aussi pu servir de levier pour une fable horrifique. Les gestes, les silences, les regards, les règles imposées, tout contribue à maintenir un asservissement latent. Pourtant, la réalisatrice, également scénariste du film, s’en défait aussi vite qu’elle l’évoque. Et l’horreur, aussi timide soit-elle, tient presque plus de l’anecdotique, ne rendant pas toujours service à l’intrigue.
Présenté au Festival de Sundance en janvier 2022 où il a reçu le Grand Prix du jury, «Nanny», production Amazon et Blumhouse Productions, est un premier long métrage plein de promesses. Même s’il ne s’agit pas d’un film d’horreur à proprement parler, les thèmes abordés, le rythme lent permettant de souffler et d’admirer, ainsi que le jeu impeccable des acteurs sont largement suffisants pour y prêter attention.
4/5 ★
Un film à découvrir dès le 16 décembre sur Amazon Prime Video.
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