Critique19. März 2020 Theo Metais
Netflix: «Freud» - Mythologie hypnotique et 19e austro-hongrois
Une série entre thriller, fiction et réalité dans le Vienne du 19e siècle, «Freud» se dévoile le 23 mars prochain sur Netflix en 8 épisodes (d’environ 55 minutes) et ouvrait en grande pompe la section «Berlinale Series» du dernier festival du film berlinois. Quand «Penny Dreadful» embrasse Dr Jekyll, «Freud» a quelque chose de surprenant!
Bien au de-là de ce que son titre laisserait penser, «Freud» n’a rien d’un biopic et s’empresse de nous conter une toute autre histoire, une intrigue trempée d’hypnose, de magie, enivrée des vapeurs du 19e siècle, quelque part entre «Penny Dreadful», «La Leçon d'anatomie du docteur Tulp» de Rembrandt, et les souvenirs du Dr Jekyll trempés des restes de Kafka. Quand Vienne parlait encore un peu hongrois, «La série part dans un truc complètement fictionnel» pour reprendre les mots de son actrice principale.
En effet rencontrée à la Berlinale en février dernier, Ella Rumpf, qui interprète le personnage central de Fleur Salomé, nous avait parlé de «Freud» dans une interview accordée quelques heures à peine avant la projection officielle. Projet romantique du jeune docteur et cocaïnomane Freud, il bataille pour faire passer ses méthodes auprès d’une société médicale viennoise conservatrice et vieillissante. L’hypnose se fait mère de controverses, d’aucuns le prennent pour un vulgaire charlatant juif, et la sulfureuse médium Fleur Salomé pourrait bien devenir son alliée.
«Une affaire macabre mêlée à une étrange figure amorphe couverte de sang, aperçue dans un songe…»
Une belle réalisation signée de l’autrichien Marvin Kren (récompensé pour sa série «4 Blocks» avec Frederick Lau), «Freud» s’ouvre avec un cadavre et l’affaire, en fil rouge, d’une jeune fille retrouvée amputée dans les catacombes noirâtres de Vienne. Une affaire macabre mêlée à une étrange figure amorphe couverte de sang, aperçue dans un songe… Par un étrange hasard de scénariste, voilà que Freud (porté ici par un très bon Robert Finster) et Fleur Salomé (Ella Rumpf) se retrouvent cramponnés malgré-eux à une affaire qui écorche l'Amirauté viennoise; dernier bataillon rebelle pour résoudre une affaire que tout le monde semble vouloir étouffer. La clé serait dans un dialogue avec les morts, et Fleur de les faire parler.
Aussi «Freud» aura des airs de série chorale, une galerie de personnages se déploie au gré d’une intrigue en vue éclatée. Au tandem principal se greffent, entre autres, la psychologie appétissante du petit fantassin des administrations militaires interprété par Georg Friedrich, la matrone venimeuse et grande prêtresse de l’hypnose portée par une excellente Anja Kling, ou la romance évanescente entre deux militaires. Et si peut-être personne ne brille d’une performance époustouflante, quelques années avant que ne tombe l'archiduc d'Autriche, la «monarchie danubienne» s’enrobe d’une mythologie trouble et vaporeuse, et «Freud» se révèle efficace.
«La série semble fidèle à ses pères, et se laissera binge-watcher sans culpabilité aucune...»
Et des mouvements de caméras sensibles, qui sondent et explorent le psychisme de ses personnages. Une éloquence visuelle aussi, une photographie, une palette de couleurs et des contrastes de lumières (des bleus, des bruns, des rouges, des oranges…) très contemporains et qui, doucement s’imposent comme les standards de l’étrange sur la plateforme de streaming. On pense notamment aux excellentes séries «Ares», voire «Locke & Key» qui renvoyaient aux mêmes teintes. Le travail à la caméra de l’autrichien Markus Nestroy révèle aussi un étonnant mariage avec la partition hurlante du compositeur allemand Stefan Will (compositeur aussi sur «Transit» de Christian Petzold). Pour les besoins de cette critique il nous a été offert de voir les trois premiers épisodes de «Freud», et la série semble fidèle à ses pères, et se laissera binge-watcher sans culpabilité aucune, bien au contraire! Vous avez-dit addictif?
En bref!
Un titre qui prête à confusion, «Freud» emprunte à la psychanalyse, au thriller et à la mythologie hypnotique du 19e austro-hongrois pour un voyage de pure fiction. Surprenante et visuellement inspirée!
3,5/5 ★
Plus d’informations sur «Freud». À découvrir le 23 mars sur Netflix.
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