Critique30. April 2020

Netflix: «Hollywood» - Une lettre d’amour amère par Ryan Murphy

Netflix: «Hollywood» - Une lettre d’amour amère par Ryan Murphy
© SAEED ADYANI/NETFLIX

Scénariste et réalisateur prolifique, l’excellent Ryan Murphy célèbre le 1er mai le démarrage de sa nouvelle série sur la plateforme Netflix. «Hollywood» promet une plongée dans les méandres du système hollywoodien des années 40. La série suit un groupe d’aspirants scénaristes, réalisateurs, acteurs et actrices pour une réflexion sur les dynamiques de pouvoirs qui, jadis, régnaient dans les studios.

Déroulée sur 7 épisodes, la mini série dévoile le parcours du jeune Jack Castello (David Corenswet), un vétéran qui rêve de célébrité, et qui bientôt fait la rencontre d’Archie (Jeremy Pope), un scénariste noir et gay qui vient de soumettre un script aux Ace Studios. Tous deux travailleront comme gigolos pour le truculent Ernie (Dylan McDermott), entrepreneur à la tête d’une sulfureuse station service. Sur leur chemin Avis Amberg (Patti LuPone), une ancienne star du cinéma muet mariée au patron des studios, leur fille Claire Wood (Samara Weaving), Rock Hudson (Jake Picking), un acteur en devenir, Raymond Ainsley (Darren Criss) à l’aube de son premier film, le faiseur de stars Henry Willson (Jim Parsons) et bien d’autres...

Darren Criss, David Corenswet, Jake Picking et Jeremy Pope
Darren Criss, David Corenswet, Jake Picking et Jeremy Pope © SAEED ADYANI/NETFLIX

Producteurs, scénaristes et réalisateurs hyperactifs, pour leur nouveau projet, Ryan Murphy («Nip/Tuck», «Glee», «Pose») et Ian Brennan inventent une réalité alternative pour tacler, dès les années 40, la suprématie hétérosexuelle blanche à la tête des studios. «Hollywood» propose une vision plus inclusive de l’âge d’or hollywoodien, accueillant les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQ. Ryan Murphy et son comparse ont composé une «faction» (selon les mots de Murphy à Entertainment), une fiction basée sur des faits réels d’un genre «Once Upon a Time... in Hollywood»… Une juxtaposition du mythe et du réel.

«Et si le rêve hollywoodien avait été plus queer?»– Théo Metais

Sous la houle du gigantisme d’un lettrage quasi religieux, «Hollywood» surplombe la ville comme la chrétienté dans le ciel d’un village. Ils sont une centaine à faire les cents pas chaque jour devant l’imposant portail des Ace Studios dans l’espoir de décrocher un rôle, et des questions émergent: et si le rêve hollywoodien avait été plus queer, et si l’industrie avait été moins hétéronormée, moins blanche, moins masculine? Bref, Ryan Murphy et Ian Brennan nous donnent matière à rêver, et ça fait du bien! Avec eux une distribution qui comblera les fans, de l’excellent David Corenswet aperçu dans «The Politician» (du même Ryan Murphy) en passant par Jim Parsons, visage emblématique de «Big Band Theory» ou encore Patti LuPone dans «Pose».

Jack Castello devant le portail des studios Ace.
Jack Castello devant le portail des studios Ace. © SAEED ADYANI/NETFLIX

On apercevra aussi la véritable Hattie McDaniel, sous les traits de Queen Latifah, première actrice afro américaine oscarisée pour son rôle dans «Autant en emporte le vent» en 1939. Aussi Anna May Wong, interprétée par Michelle Krusiec, première grande célébrité sino-américaine cantonnée à des rôles stéréotypés ; autant de figures pour dépeindre le climat racial tendu au sein des studios dans les années 40. Le drive-in gigolos du Golden Tip Gasoline, et le faiseur de stars Willson, qui contraint ses talents à des relations sexuelles pour des rôles, déconstruisent le mythe de la célébrité et parlent avec un ton amer du sort réservé à la communauté homosexuelle à Tinseltown.

«Un régal visuel...»– Théo Metais

Fascinants, drôles et dramatiques, les trois premiers épisodes visionnés pour cette critique révèlent une mini série d’une extrême précision historique (bien qu’arrangée) en plus d’être un régal visuel; un delirium fantasque qui ravira les aficionados des séries de Ryan Murphy. Et si la lutte pour changer l’industrie du cinéma avait commencé il y a 80 ans? «Hollywood» (la série) règle ses comptes avec «Hollywood» (l’industrie). La série torpille une industrie qui conjuguait sexe et célébrité, une industrie qui créait des standards hétérosexuels avec ses talents homosexuels, et qui contraignait ces même talents à vivre leur sexualité dans l’ombre, une industrie qui refusera la diversité pour maintenir l’économie en marche, et l’on n’en finit pas de trouver des parallèles avec notre époque.

En bref!

À Hollywood tout est pourri entendra-t-on, et pourtant ce Los Angeles crépusculaire d’après-guerre à l’aube d’un âge d’or modifié a quelque chose de magique. Troublant quand le rêve se mêle au réel, vibrant quand on se met à rêver ensemble; il y a beaucoup à reconstruire à Hollywood. Le duo Murphy / Brennan propose une vision acerbe et délicieuse de ce nouveau monde. Une très belle surprise accompagnée d’un casting grandiose!

4/5 ★

«Hollywood» est à découvrir le 1er mai sur Netflix.

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