Critique14. Juli 2022

NIFFF 2022 : «Freaks Out» - Les X-Men entre Tod Browning et l’Italie fasciste

NIFFF 2022 : «Freaks Out» - Les X-Men entre Tod Browning et l’Italie fasciste
© NIFFF 2022

Après le succès de «Jeeg Robot» (2015) un premier film italien de super-héros, Gabriele Mainetti ancre cette fois son récit et ses protagonistes fantastiques dans la guerre civile italienne opposant nazis et partisans.

(Critique d'Eleo Billet)

Matilde, la révélation Aurora Giovinazzo, Fulvio (Claudio Santamaria), Cencio (Pietro Castellitto), Mario (Giancarlo Martini) et leur protecteur paternel Israel (Giorgio Tirabassi) forment une troupe de cirque itinérante. Solidaires jusqu’à ce que les conflits détruisent leur espoir d’avenir commun, les membres de cette famille recomposée se séparent alors que les bombes comme les rafles meurtrissent Rome. Tandis que Matilde tente de retrouver Israel, en danger, car juif, et de maîtriser ses pouvoirs électriques, ses camarades proposent leurs dons exceptionnels au cirque nazi de Franz (Franz Rogowski). Seulement, l’impitoyable directeur compte les utiliser comme armes pour que l’Axe gagne la guerre.

Le parallèle avec les X-Men n’est pas superflu puisque Freaks Out partage bon nombre de défauts et qualités avec les mutants de Stan Lee et Jack Kirby. En particulier l’importance du contexte historique, ici l’Italie de 1943, la judaïté des personnages et le traitement des opposants. Si l’effondrement du régime fasciste est écarté au profit de la figure éculée du nazi, reste que les antagonistes ne sont pas des monstres, car c’est leur idéologie d’humains qui les rend si dangereux. D’ailleurs, le réalisateur ne perd pas de temps à recontextualiser les croix gammées ou les wagons à bestiaux, mais en use, tantôt finement, tantôt grossièrement, pour tisser des liens avec notre présent, notamment grâce aux visions panoramiques.

Le développement des protagonistes et leurs capacités montrent que l’œuvre perd en originalité dans sa seconde moitié, car ses belles idées sont trop étirées dans la durée (2 heures 21). S’y enchaînent les séquences poussives autour des pouvoirs de Matilde jusqu’à réduire ses camarades, pourtant attachants, à des caricatures. Les «freaks», traités avec respect même dans leur désir de vengeance dans le film de (Tod Browning), souffrent chez (Gabriele Mainetti) d’un manque de puissance cathartique. Toujours avec un soin admirable des lumières, des décors et même des effets numériques, sans oublier sa violence parfois gore, les réussites de Freaks Out l’éloignent des productions américaines aseptisées. Seul regret, la romance dispensable entre Matilde, une jeune adolescente, et Cencio, de plus de 10 ans son aîné. À voir pour sa première partie éblouissante et ses ambitions parfois démesurées. Un film italien comme on en rêve en Europe.

3,5 / 5 ★

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