Critique1. September 2022 Cineman Redaktion
«Les Cinq diables» - Voyage dans les souvenirs de ma tante
Après «Ava» en 2017, une première réalisation réussie, Léa Mysius a ouvert cette année le Festival international du film fantastique de Neuchâtel avec un nouveau récit d’apprentissage merveilleux sur les déchirures d’une famille, cristallisées dans une ville alpine isolée. Passé par la Quinzaine, le film sensuel et sensoriel est un écrin d’où émergent de nouveaux talents à suivre.
(Critique d'Eleo Billet)
Vicky, l’époustouflante Sally Dramé, vit dans un confort tout relatif avec Joanne sa mère maître nageuse (Adèle Exarchopoulos) et son père pompier Jimmy (Moustapha Mbengue). Son quotidien vacillant, entre disputes de ses parents, harcèlement scolaire racisme et sens aigu de l’odorat, est bouleversé par l’arrivée de sa tante paternelle Julia (Swala Emati). La petite fille va alors se livrer à des expériences olfactives qui vont la plonger dans les souvenirs de Julia pour comprendre quels liens elle entretenait avec ses parents 10 ans plus tôt. Mais quand le feu a apposé sa marque, que reste-t-il à réparer ?
En s’ouvrant sur un flashback enflammé et discordant, à la somptueuse photographie chaude, puis en enchaînant sur une piscine puis un lac au bleu vif, Léa Mysius pose les bases du conflit de son œuvre : l’opposition entre le feu et l’eau, la chair de différentes carnations noyée ou brûlée. Seuls les rêves étranges de Vicky, où elle se transporte après s’être étourdie d’odeurs comme sa tante se noie dans le whisky, créent un pont entre les époques.
Autant de pièces à assembler pour saisir l’entier du tableau d’amour et de haine entre Joanne et Julia. La découverte à hauteur d’enfant des lourds secrets de ses proches, écho au touchant Petite maman (2021) sur les liens mère-fille, permet de poser un regard trop peu mis en avant sur des relations douloureusement familières où jalousie, folie, violence et regrets s’entremêlent.
Alors que certains personnages sont trop peu développés pour paraître plus que caricaturaux (l’amie traumatisée et amoureuse éconduite, le grand-père lesbophobe de peu de soutien, les villageois et leurs rumeurs), d’autres se déploient avec élégance grâce à la prestation de leurs formidables interprètes dont les deux révélations Swala Emati et Sally Dramé.
Le fantastique, intrinsèque à la personnalité introvertie et curieuse de Vicky, est bien exploité jusque dans le dernier tiers, où il laisse malheureusement place au mélodrame, ne servant que de prétexte pour proposer une variation des histoires d’amours lesbiennes réprouvées. La fin heureuse paraît d’ailleurs forcée, alors que viennent de s’enchaîner adultère et tentative de suicide. Toutefois, l’ambiance irréelle, le montage qui dévoile par saynètes un passé somme toute bouleversant et les décors sublimés du Bourg-d'Oisans font du film Les cinq diables une belle proposition à ne pas manquer.
3,5 / 5 ★
Plus d'informations sur «Les Cinq diables»
Depuis le 31 août au cinéma
Bande-annonce
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