Critique6. August 2021 Lino Cassinat
«OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire» - Le messie attendu au tournant
Alors qu’une nouvelle vague de Covid monte et met en grand péril la fréquentation des salles de cinéma, «OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire» est contraint de tenter une sortie à haut risque. Attendu à la fois comme un messie, mais aussi avec une once de méfiance suite au remplacement quelque peu cavalier du réalisateur Michel Hazanavicius par Nicolas Bedos, ce nouvel épisode se doit de réchauffer un été moribond et pluvieux. Mission ratée.
Vieillissant, impotent et réactionnaire conservateur tendance Giscard, Hubert Bonnisseur de la Bath (Jean Dujardin) n’est plus très en phase avec la France de son temps, qui s’apprête à basculer à gauche et élire François Mitterrand. Rétrograde rétrogradé et bientôt remplacé par OSS 1001 (Pierre Niney), un jeune agent ouvert d’esprit, OSS 117 est envoyé pour une dernière mission en Afrique et doit prouver qu’il a encore une place dans le monde.
La qualité technique et cinématographique des deux opus précédents allant crescendo et la popularité du personnage allant sans cesse en grandissant – synonyme d’augmentation de budget – il était normal de s’attendre à un troisième film travaillé et élégant. Et sur le plan plastique, c’est une évidence dès la scène d’ouverture qui joue à fond la carte du grandiose et du spectaculaire. Si ce n’est quelques images de synthèse très ratées par-ci par-là (notamment ce lion vu dans la bande-annonce), «OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire» est aussi remarquable que ses aînés, si ce n’est plus, et les nostalgiques du style «classe à l’ancienne» seront servis.
Si le film prête à sourire, il n’est jamais fondamentalement drôle...
Mais cela n’a rien de très surprenant, la compétence des techniciens français n’étant plus à prouver – pour peu qu’on leur donne suffisamment de budget et des têtes pensantes compétentes avec qui travailler. De même, personne ne sera surpris d’apprendre que Jean Dujardin et Pierre Niney servent le caviar, plus à l’aise que jamais. Malheureusement, ce qui n’a rien de très surprenant non plus et ce qui fait que cet OSS 117 ne convainc pas, c’est évidemment son écriture pilotée par Nicolas Bedos, chroniqueur mondain devenu cinéaste («Monsieur et Madame Adelman» ou encore «La Belle Epoque») qui a déjà plus d’une fois fait preuve de sa finesse d’analyse et ses critiques raffinées à l’encontre d’une forme de pensée unique par ses nombreuses interventions et prises de positions publiques bien senties.
Tout cela est évidemment ironique, et quand bien même l’on serait d’accord avec le fond de sa pensée – ce qui vous appartient totalement et ne saurait être remis en question ici – toujours est-il que, pensant probablement accomplir un geste d’auteur en investissant son objet filmique de questions contemporaines sous un angle mordant et impertinent, Nicolas Bedos parasite l’univers dont il s’empare avec ses obsessions habituelles, qui confinent désormais à la névrose.
Les nostalgiques du style «classe à l’ancienne» seront servis...
Deux conséquences désastreuses. La première, c’est que si le film prête à sourire, il n’est jamais fondamentalement drôle et même plutôt régulièrement franchement lourdingue et aussi subversif qu'un post Facebook aviné. Véritable film réseau social, chaque vanne est envisagée comme un commentaire du temps, mais ne va jamais plus haut qu’un commentaire Twitter. Voir Jean Dujardin balancer «Me Too» après avoir claqué les fesses de trois de ses collaboratrices a de quoi laisser songeur sur l’intérêt des inspirations de cet opus à l’humour extrêmement superficiel. Pareillement, l’intrigue et les péripéties étonnent par leur vacuité, pour ainsi dire, totale.
Seconde catastrophe, là où Michel Hazanavicius ironisait autour de son personnage-agglomérat de lourdeurs réactionnaires, Nicolas Bedos fait exactement ce qu’il ne fallait pas faire: le transformer en héros. Peut-être est-ce une passion romanesque pour Voltaire ou Noam Chomsky qui lui a fait prendre une vessie pour une lanterne, mais toujours est-il que le cinéaste a trouvé le moyen de faire de la figure d’Hubert Bonnisseur de la Bath un héraut de la liberté d’expression malmenée, une victime de son temps… et donc une cause à défendre. Mais il se trompe de héros, et par là même, il travestit l’essence même de la satire que porte le personnage, simplement pour porter ses propres convictions comme un rouleau compresseur idéologique. C’est beau d’être passionné, mais il existe des passions tristes… et des lieux plus adaptés pour les exprimer. Une story Instagram suffira la prochaine fois.
2,5/5 ★
Le 4 août au cinéma. Plus d'informations sur «OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire».
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