Critique23. August 2019

«So Long, My Son» - Une fresque virtuose

«So Long, My Son» - Une fresque virtuose
© 2019 Trigon Film

Un couple de la classe ouvrière chinoise vit paisiblement tandis que le gouvernement de la République populaire de Chine vient de mettre en œuvre la politique de l'enfant unique. Un équilibre familial rompu lorsqu’un tragique accident frappe le couple et son entourage. Alors qu’ils tentent de survivre à la perte d’un enfant, «So Long, My Son» suivra ces parents sur près de trois décennies pour nous conter une histoire de la Chine.

Ours d’argent cette année à Berlin, «Synonymes» de Nadav Lapid lui sucrait l’Or et l’on ne s’en est toujours pas remis… Une puissance poétique miraculeuse, une fresque bouleversante de la Chine. Pendant trois heures, l’iconique Xiaoshuai Wang nous embarque dans la vie de deux frères et leurs couples. Une vie bouleversée quand leurs enfants, innocemment, un jour chahutent dans l’eau d’un lac et que l’un d'eux se noie. Le mystère autour de l’accident propulse le récit et fera de «So Long, My Son» un film événement. «Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre!», écrivait Paul Valery. Quand le tissu familial est pourri à la moelle, il faut tenter de vivre. Frère un jour, frère toujours?

Réponse administrative à la surpopulation de la Chine, la politique de l’enfant unique (en vigueur jusqu’en 2015) ne cessera de hanter le long-métrage. Une élégance rare, une distance, une pudeur et ce dès l'entame. Il faudra voir la caméra se poser tendrement sur le haut de colline et observer le drame à distance, comme un wanderer qui passerait là. Jusqu’aux retrouvailles téléphoniques en tomber de rideau à vous scier le cœur, à 53 ans Xiaoshuai Wang propose une nouvelle fois un cinéma virtuose, une fresque de la classe ouvrière en prise avec le deuil, la culpabilité et la modernité.

«Trois heures d’une beauté asphyxiante...»– Théo Metais

Portraitiste infatigable, réalisateur visionnaire à l’épreuve de la censure; d’abord placé sur une liste noire dans les années 90, le réalisateur (prix du Jury à Cannes en 2005 avec «Shanghai Dreams») a dû une nouvelle fois se plier à la longue et périlleuse procédure de validation. Présenté cette année à Berlin, «So Long, My Son» révélait trois heures d’une beauté asphyxiante, l’impression d’avoir vécu une vie. Une tranche d’histoire chinoise, celle d’une classe ouvrière éreintée, celle de ces parents, magistralement incarnés par Mei Yong et Jingchun Wang (respectivement sacré meilleur acteur et meilleure actrice), dont personne n’est revenu indemne.

En bref!

Ours d'argent à Berlin, l’immense Xiaoshuai Wang dévoilait une fresque à l’envergure d’un chef-d’œuvre au cœur de la Chine. Une classe ouvrière essoufflée, une parenté effondrée et les mutations accélérées du pays, «So Long, My Son» est du (très) grand cinéma.

5/5 ★

Plus d'informations sur «So Long, My Son». Au cinéma le 28 août.

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