Critique2. Juli 2019 Theo Metais
«They Shall Not Grow Old» - Peter Jackson et les tranchées de la Grande Guerre
C’est un projet titanesque réalisé par Peter Jackson et ses équipes. 600 heures d’interviews et plus de 100 heures d’images d’archives inédites fournies par le Imperial War Museum Britannique et la BBC, le tout restauré, colorisé, sonorisé et condensé dans un documentaire époustouflant sur la Première Guerre mondiale.
Une fascination pour la Première Guerre mondiale et un grand-père, jadis, sur le front dans l’armée britannique ; sans doute l’un des projets les plus personnels de Peter Jackson. ll aura fallu une année, dira-t-il, pour visionner l’ensemble des archives. Le reste est un travail d’une minutie admirable pour redonner une vie sonore et en couleur à ces vidéos. Produit et colorisé par WingNut Films, société de Peter Jackson, le rendu à l’écran est aussi fabuleux que proche du surnaturel.
Une petite lucarne s’ouvre à l’écran, austère, en noir et blanc, grésillante, grinçante, l’image est saccagée, on se croirait au musée pendu à un guide audio. Une ouverture en dilettante qui dure, longtemps. L'entame de ce qui s'annonce comme un événement cinématographique est résolument pauvre d'interactivité, lancinante, soporifique, d’autant que la narration linéaire choisie par Peter Jackson en laissera plus d’un sur le carreau, et pourtant, d’un coup la lucarne se déploie sur tout l’écran, une note de couleur, puis deux, puis trois, l’impression de pouvoir y aller sur le front, la 3D fonctionne, ces jeunes soldats vous regardent, vous parlent même. Certains ont à peine 17 ans, une colo de vacances nous dira-t-on en voix-off, les préliminaires à la guerre sont fourbes, l’hiver approche mais vous chantez et marchez avec eux.
Une immersion sans précédent, aussi abjecte que fascinante...
Un titre inspiré du poème «For the Fallen» de l’auteur anglais Laurence Binyon, bientôt les pieds dans la boue à compter les morts, «They Shall Not Grow Old» nous plonge de 1914 à 1918 au plus profond des horreurs de la Grande Guerre, essentiellement du côté fantassins britanniques (batailles navales et aériennes seront absentes), à sillonner les ruines, au plus près des tranchées jusqu’à toucher (presque) les noirs fossoyeurs qui grouillent en masse sur les cadavres. Un documentaire incomplet sur le plan historique, mais un montage extrêmement drôle et une immersion sans précédent, aussi abjecte que fascinante, surnaturelle même quand le grain et la texture des images d’archives restaurées en 3D composent, au détour d’une explosion sur la ligne infinie d’un champ de bataille, des formes spectrales d’un genre William Hope.
Jusqu’à leur retour chez eux, au lendemain de la Guerre, «They Shall Not Grow Old» demande une certaine abnégation au spectateur. C’est un voyage dans le temps incomparable, remarquable dans la restauration visuelle et sonore, et ralenti avec un réalisme incroyable (afin de corriger le traditionnel effet accéléré dû à la différence entre la cadence de prise de vue et la cadence de projection). Techniquement, visuellement, le documentaire de Peter Jackson est grandiose, le travail de restauration en est émouvant. Pourtant, les interviews ininterrompues sur les archives chagrinent tant elles nécessiteraient une pause. C’est un choix du réalisateur, il s’en est défendu, mais vous lâchez une fois, deux fois, écartelé entre la magie du visuel ou la force du propos. Jamais un temps mort pour souffler, ni pour se laisser envoûter dans l’au-delà d’un travail magnifique.
En bref !
Le travail de restauration est titanesque. Réalisé par Peter Jackson, «They Shall Not Grow Old» est un documentaire hors du commun dans les tranchées de la Grande Guerre.
4/5 ★
Plus d'informations sur «They Shall Not Grow Old».
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