Critique27. September 2021 Sven Papaux
«Tout s'est bien passé» - Un suicide assisté vu par François Ozon
Présenté en compétition cannoise, François Ozon se penche sur le sujet brûlant du suicide assisté et adapte le roman éponyme de la romancière Emmanuèle Bernheim, offrant des rôles délicats à Sophie Marceau et André Dussollier.
Emmanuèle (Sophie Marceau) débarque dans notre champ de vision, rapidement abasourdie par cette nouvelle : son père André (André Dussollier) vient de faire un AVC. Ancien industriel à la vie pleine, passionné d’art, fantasque, André est dorénavant cloué au lit. Sa soif de vivre s’estompe et le paternel demande à sa fille d’abréger ses souffrances. Avec sa sœur Pascale (Géraldine Pailhas), Emmanuèle se retrouve face à un grand dilemme : accéder à la requête de son père ou le convaincre de changer d’avis.
Si nous prenons le livre, son écriture simpliste et incisive se juxtapose plutôt bien à la mise en scène de François Ozon. Le cinéaste français place sa caméra là où il le faut, malgré une entame poussive au rythme irrégulier, « Tout s'est bien passé » trouve son pouls et explore la délicate question pour ces deux sœurs d’exaucer (ou non) l'ultime vœu de leur père. La mécanique empreinte de sobriété opère sur vous telle une ventouse : impossible de s’en détacher, émotionnellement vous êtes paralysés. Car Ozon fait de cette supplication une (terrible) remise en question sur la mortalité et l’acceptation. Pourriez-vous accepter que votre père vous agrippe le bras pour vous ordonner d’en finir ? L’équation est si abrupte, presque insoluble que vous êtes hanté par la simple idée d’y répondre.
La maîtrise de François Ozon fait des merveilles...
La pellicule avance tout en retenue, Ozon captant les moments douloureux avec une précision clinique. Sophie Marceau et André Dussollier brillent, incarnant ce marasme d’affects et de sentiments réprimés. Les sauts dans le passé, pour dessiner le portrait d’un père de famille très strict et parfois cassant, sont parfaitement distillés. Les traversées brèves de la mère, jouée par la sublime et toujours intense Charlotte Rampling, rappellent les failles familiales. Le film est une percée, sautant d’ellipse en ellipse pour mieux cerner l’étendue du propos, jouant d’espoirs fugaces à la déprime féroce. Grâce à sa justesse pour traiter d’un sujet aussi délicat, on se rappelle encore de son poignant « Grâce à Dieu », François Ozon se confronte à la mort sans détour. Le suicide assisté étant proscrit en France, le récit nous emmène vers la Suisse. Et pour assouvir le désir d’un père harassé, les deux sœurs vont se mettre en danger pénalement - la France est intransigeante à ce sujet.
Des casseroles d’antan, des secrets bien gardés, « Tout s'est bien passé » tient en équilibre, trouve son rythme lentement, mais sûrement, pour vous toucher en plein cœur. La maîtrise de François Ozon fait des merveilles, sa direction aussi. Pouvons-nous le qualifier de film nécessaire pour faire avancer le débat? Sûrement, et avec grâce.
4/5 ★
Le 29 septembre au cinéma. Plus d'informations sur «Tout s'est bien passé».
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