Critique7. Juli 2020 Theo Metais
«Tout Simplement Noir» - Portrait d’une identité noire tiraillée
À l’heure des mobilisations anti-racistes, le duo John Wax et Jean-Pascal Zadi signe «Tout Simplement Noir», un docufiction violemment hilarant, ou le portrait d’une identité noire tiraillée.
JP (Jean-Pascal Zadi), 38 ans, fait des vidéos humoristiques traitant de l’esclavage sur les réseaux sociaux. Un jour trop noir pour un rôle, l’autre pas assez, peut-être que JP n’a aucun talent, quoi qu’il en soit, l’acteur n’est pas débordé. Alors il lui vient une idée, organiser une grande marche de contestation pour les hommes noirs. Taxé de communautarisme primaire par sa compagne (Caroline Anglade), il active néanmoins son réseau, partant à la rencontre de celles et ceux qui pourraient donner de l’élan à sa démarche. Une équipe de télévision le suit pour les besoins d’un documentaire. Sur son chemin, il rencontre Fary, Claudia Tagbo, JoeyStarr, Ramzy, Fabrice Eboué... Mais très vite la communauté se retourne contre JP.
L’humour en contrepoint au passé esclavagiste, sur les réseaux sociaux JP (Jean-Pascal Zadi) est devenu un phénomène. Devant l'opéra de Paris pour scander le manque de représentation, ou enchaîné comme un esclave sur les berges bordelaises pour dénoncer la traite négrière, «Tout Simplement Noir» s’ouvre sur la vie numérique mouvementée de JP. Enchaînement de clics, interviews et vidéos Youtube se succèdent pour saisir l’essence du personnage. Alors, véritable agitateur de conscience ou simple humoriste cynique, “activiste ou opportuniste?” entendra-t-on, JP manie l’art du buzz.
«Kaléidoscope d’une l’identité noire tiraillée et complexe...»
Sur le parvis de l'Hôtel de Ville à Paris, et mégaphone à la main, JP en appelle à la libération de ses frères alors qu’il souhaite rencontrer Anne Hidalgo pour organiser sa marche, et très vite la police intervient. Quelques smartphones qui traînaient par là filmeront la scène. JP se retrouve à nouveau sous le feu des médias, et bientôt l’humoriste Fary le prend sous son aile. Caméra à la main dans un genre à la “Paris Dernière”, les comparses sillonnent la capitale à la rencontre du Paris mondain. Et si Fary voyait en cette marche une belle opportunité médiatique, JP a les idées bien arrêtées et sème doucement le chaos.
“Cheveux crépus, peau ébène et qui a ses ancêtres qui ont vécu l’esclavage, car c’est un crime contre l’humanité qui nous lie” - C’est en ces termes que JP définit l’identité noire face à JoeyStarr, enfant de parents martiniquais, “chez moi y’a du maître et de l’esclave” lui répondra-t-il, alors que JP demande à Vikash Dhorasoo, mauricien et indien, de ne pas rejoindre sa marche. Parfaitement sectaire, excluant jusqu’aux femmes, l’entretien avec Claudia Tagbo en ouverture nous met au diapason, JP est une sorte de loser arrogant et conservateur. Subtilement écrit, il faudra compter sur le je-m'en-foutisme génial de Jean-Pascal Zadi pour rendre l’abjecte de son personnage à la fois tendre, drôle et touchant.
«Une écriture violemment hilarante...»
Une voiture sillonne la capitale comme dans un conte initiatique. Au gré des rencontres, «Tout Simplement Noir» s’articule en saynètes, kaléidoscope d’une l’identité noire tiraillée et complexe. Chez JoeyStarr, dans une scène intense au restaurant avec Lucien Jean-Baptiste et Fabrice Eboué, devant un club avec Eric Judor, en casting avec Mathieu Kassovitz, à un festival afro-féministe ou chez Ramzy avec sa sœur Melha Bedia et Jonathan Cohen, via le docufiction, splendide parabole pour se distancer et infuser ce rire nécessaire au réel, «Tout Simplement Noir» interroge le devoir de mémoire et la multiplicité de cette identité. La force du film réside aussi dans l’auto-critique d’une industrie qui ne sait jamais sur quel pied danser; maladroite, opportuniste, trop blanche, trop légère... Autopsie de l’identité noire, «Tout Simplement Noir» dévoile une écriture violemment hilarante. Une comédie qui tombe à pic, et Jean-Pascal Zadi d’y être splendide!
4/5 ★
Plus d'informations sur «Tout Simplement Noir».
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