Critique17. Dezember 2018 Sven Papaux
«Wildlife» - Un portrait familial désillusionné et déchirant
Adapté du roman de Richard Ford, «Wildlife» ouvrait la Semaine de Critique au dernier Festival de Cannes. Premier film de l’acteur Paul Dano, avec à l’affiche Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal et Ed Oxenbould.
Fraîchement débarquée dans le Montana, la famille Brinson entame une nouvelle vie. Le père, Jerry (Jake Gyllenhaal) est un ancien golfeur reconverti en coach. La mère, Jeannette (Carey Mulligan), est une ancienne enseignante remplaçante et dorénavant femme au foyer. Il ne reste plus que Joe (Ed Oxenbould), un jeune lycéen plutôt solitaire et renfermé. Une famille qui se porte plutôt bien jusqu’au jour où le paternel perd son job. Lui si joyeux commence à broyer du noir et se propose comme volontaire pour combattre les incendies de forêt qui font rage, mettant en péril sa vie de famille.
Un roman bouleversant pour un film saisissant...
L’envie d’aller combattre les flammes, Jerry la ressent à un moment précis : un bourdonnement oppressant et incessant persistant dans sa tête. Face à lui, son fils tente de rester stoïque, le rassurant timidement. L’attitude du gamin est saisissante, bouleversante de vérité et d’intériorité. Confronté à l’absence de son père, il fait face aux pulsions nouvelles de sa mère. Fatiguée d’être (elle aussi) délaissée par Jerry, Jeannette tente de tuer le temps, de retrouver une seconde jeunesse. Un élan d’immaturité combiné à une émancipation féminine.
Une double descente aux enfers...
Deux parents qui prennent leurs libertés, alors que Joe reste à quai. Tout comme dans le bouquin, la place de l’enfant est magnifiée par la plume de Ford. Un roman bouleversant pour un film saisissant. Dano réussit à retranscrire cette intériorité des sentiments. Joe reste là, statique, à attendre les premiers flocons synonymes de retour pour les pompiers partis à l’assaut des flammes, et par conséquent, le retour de son père. Un feu ardent, à l’image d’un couple qui se déchire, qui se désintègre en plein vol. Le feu s’intensifie, la colère gronde, la vie de famille n’est plus. Personne n’en sortira indemne.
Un couple qui se consume, tout comme les hectares de forêt, tout comme la joie de vivre. Jerry et Jeannette combattent à leur manière cette nouvelle solitude, cette tristesse. La caméra se faufile dans la petite maison du Montana, contemple un couple aux désillusions toujours plus grandes et les actes égoïstes de deux parents au point de saturation, laissant au milieu un gamin spectateur d’une double descente aux enfers. Poésie sur le fil du rasoir, où les sourires se figent et les larmes se sèchent. Paul Dano brosse un portrait familial désillusionné et déchirant.
En bref !
Un récit sublime, d’une sobriété folle et d’une mélancolie rarement égalée. La performance de Carey Mulligan frôle la perfection, tout comme celle d’Ed Oxenbould. Gyllenhaal est également excellent d’intensité. Dano, derrière la caméra, narre avec précision l’histoire poignante de Richard Ford et prouve son talent de réalisateur. Trois créatures mélancoliques en proie aux flammes du désespoir.
4/5 ★
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