Mother Lode France, Italie, Suisse 2021 – 87min.
Critique du film
Trous sans fin
Avec Mother Lode, Matteo Tortone nous ensevelit dans le quotidien d’un mineur péruvien. Construisant une ambiance tant terrifiante que fascinante, il brosse soigneusement le portrait d’individus qui risquent leur vie pour quelques sous.
Jorge (José Luis Nazario Campos), un vingtenaire péruvien, habite à Lima avec sa femme et sa fille. Son travail de conducteur de taxi-moto lui permet tout juste de gagner assez d’argent pour nourrir sa famille. Mais, lorsque son véhicule cesse de fonctionner, il n’a plus d’autre choix : il doit partir loin de chez lui pour travailler à la mine. Alors la difficulté de son quotidien s’aggrave. Éloigné de ceux qu’il aime, contraint d’effectuer un travail Ô combien pénible et dangereux, le tout dans un village glacial et humide : sa ruée vers l’or se changera vite en un voyage en enfer.
Éblouis par les lumières cheap du bar d’un village minier, les travailleurs s’adonnent à la danse triste des hommes à qui il ne reste plus qu’une chose : noyer leurs tracas dans l’alcool. Pour rendre compte de ce quotidien tragique, Matteo Tortone fait le choix du noir et blanc. En nous refusant les couleurs vives et chaudes des paysages péruviens, il renforce – par le biais de très belles images – la froide sombreur d’un abominable mode de vie.
L’une des choses que ces visuels s’attellent d’ailleurs systématiquement à nous montrer, ce sont les déplacements de Jorge. Tout au long du film, il ne cesse d’être en mouvement. En taxi-moto, en bus, à l’arrière d’un pickup, à pied, les déplacements font en général l’objet de scènes particulièrement conséquentes – on pense notamment au plan séquence de plusieurs minutes, suivant Jorge lors de son arrivée au village. En appuyant sur cette caractéristique, Tortone démontre avec finesse toute l’instabilité d’une quête dont la réussite – trouver un gisement de minerais – dépend uniquement de la chance.
Puis, nous arrivons dans les mines. Un lieu dans lequel, à défaut de faire fortune, les gens meurent. Parfois par accident, mais aussi au nom d’idées spirituelles absurdes : l’on pense que les dieux de la mine désirent des offrandes humaines, en échange desquelles ils mettraient les gisements tant désirés sur la route des mineurs. Croyances et superstitions se jouent au prix de vies humaines. Vies des mineurs, pas de leurs patrons.
La mine, hostile, hors du temps, imprévisible, bénéficie alors d’un traitement sonore particulier et pertinent : les sons y sont étouffés, presque réduits à néant. Y règne une atmosphère étrange, inquiétante. Silence de mort.
En accointance avec son propos, Mother Lode n’est pas un long-métrage qui propose une fin au sens classique du terme. Il se refuse un troisième acte. Car, bien qu’elle soit si absurdement dangereuse et mortifère, cette profession est malheureusement loin de disparaître. Tant que l’espoir fou de tomber sur un gisement persiste dans la tête de ceux qui, depuis toujours, vivent de rien, les mines existeront. Alors le film ne se termine pas, semble ne pas pouvoir se clore avant que cette absurde pratique prenne, elle aussi, fin.
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