L’Empire Belgique, France, Allemagne, Italie, Portugal 2024 – 111min.

Critique du film

Un ch’ti film de science-fiction

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

En compétition à Berlin, Bruno Dumont déboulonne la science-fiction dans son Boulonnais natal. De Dune à Star Wars, il n’y avait donc qu’un pas (de-Calais).

Abemus Bébé Cadum ! Serait-ce l’élu, le messie ? Qui sait… Dans un paisible village de pêcheurs de la Côte d'Opale, un enfant vient de naître. La belle affaire ! Oui, mais le bambin est si spécial, qu’il déclenche la foudre des forces intergalactiques. Ici, pas de baby shower, la venue au monde de l’enfant précipite un conflit extraterrestre entre les forces du Bien, la Reine (Camille Cotin), et du Mal, Belzébuth (Fabrice Luchini), et de leurs disciples respectifs sur Terre.

En 1997, un personnage du nom de Freddy, jeune chômeur déviant du nord de la France, s’en prend à un certain Kader qui s’est trop rapproché de sa dulcinée. Cette histoire, elle nous est contée dans «La Vie de Jésus», premier film du cinéaste Bruno Dumont alors âgé de trente-neuf ans. Une œuvre «incomprise et critiquée» selon le cinéaste, qui n’avait décidément rien de christique, et qui explorait déjà les grands concepts moraux du Bien et du Mal. Vingt-sept ans plus tard, retour dans le futur ! Le chérubin blondinet qui sème la zizanie ici, n’est autre que l’antagoniste de 1997 de Dumont dans sa version Pampers. Origin story d’un monstre, pour empêcher un crime raciste, il fallait bien que les astres s’en mêlent. Bienvenue dans «L’Empire».

Une chose est certaine, Bruno Dumont est un réalisateur singulier et sa grammaire du cinéma n’est pas toujours une sonate au clair de Lune. Après plus de 10 longs métrages à son actif, à 65 ans, l’auteur de «P’tit Quinquin», «Ma Loute» ou encore «Jeanne», s’est offert l’hiver berlinois pour la présentation en grande pompe de sa nouvelle chimère. Bruno Dumont contre-attaque et c’est ô combien stupéfaits que nous découvrions cette hydre à mille têtes qui meugle en ch’ti et lorgne vers Frank Herbert, George Lucas et David Lynch.

Puisqu’il faut le dire, alors, débarrassons-nous-en : «L’Empire» est spectaculaire ! Tant dans l’inventivité bouffante des costumes d’Alexandra Charles et Carole Chollet que dans les décors à la croisée du magazine Métal hurlant, du brutalisme et du néogothique ; il y a là une esthétique qui dénote largement des ambitions contemporaines du cinéma français. Et pour mettre du cœur à l’ouvrage, le cinéaste retrouve un parterre de talents non professionnels, Brandon Vlieghe notamment, à la tête du film, aux côtés de visages plus établis : Camille Cotin, Fabrice Luchini, Lyna Khoudri, Anamaria Vartolomei ou encore Bernard Pruvost et Philippe Jore, les enquêteurs de «P’tit Quinquin».

Néanmoins, et afin de philosopher à la table du Diable, Bruno Dumont choisit une nouvelle fois de naviguer aux côtés d’un personnage grinçant. Sous la baguette d’un Fabrice Luchini apocalyptique, Brandon Vlieghe incarne en effet ce pêcheur bestial dont la trame exhume en réalité nombre de fantasmes et clichés de la science-fiction des années 70-80. Faudra-t-il alors s’étonner de le voir poser son dévolu sur les personnages de Lyna Khoudri et Anamaria Vartolomei qui d’ailleurs réincarnent une version stéréotypée des personnages féminins de cette SF dite transgressive et expérimentale ?

Alors, nous l’avons bien compris, il s’agit d’une satire, et peut-être aussi d’une réflexion quasi mythologique pour détricoter la théorie des idées de Platon. Or le paradigme du monde change, et les enjeux du cinéma aussi. «L’Empire» est probablement la dernière feuille d’une science-fiction à l’automne de sa vie. Dommage pour un film qui, moyennant un recalibrage de ses personnages, aurait eu l’étoffe d’un chef-d'œuvre. Au banquet stellaire du Bien et du Mal, certes, le concept est génial, mais on préfère retourner du côté de Guru et MC Solaar et leur parole prophétique : «Il était vraisemblable que tous les faux-semblants / De la farce humanitaire aboutiraient au néant…».

(Berlinale 2024)

01.07.2024

3.5

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Commentaires

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Eric2017

il y a 3 mois

J'aurais pu quitter la salle après 50 minutes, mais Luchini est apparu et j'y ai cru. Une satire des films de sciences fictions totalement ratée et même ridicule.
La question que je me pose, c'est qu’est-ce qui pousse de tels acteurs et actrices à jouer dans un tel film ! Il n'y a même pas de quoi sourire. Je n'ai pas du tout aimé et je vais dire que ce film est totalement nul. Je me suis infligé 110 minutes d’un film d’une débilité incroyable. Mon tort c’est de croire que qq chose est a découvrir.
Même la fin n’en finit plus et J’ai eu hâte que tout s’arrête et que le générique arrive. (G-05.08.24)Voir plus


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