Leviathan Russie, fédération de 2014 – 141min.
Critique du film
Leviathan
Au nord de la Russie, dans un village isolé au bord de la mer de Barents. Forcé par l’administration locale à quitter sa maison avec son fils et sa nouvelle femme Lylia, Kolia refuse de se laisser acheter par le maire, Vadim Cheleviat. Il accueille son ami d’enfance Dmitri, devenu avocat à Moscou, pour l’aider à affronter l’homme corrompu, et rester maître de sa vie dans un endroit qu’il a toujours connu. Commence alors une lutte de plus en plus violente et tragique, au cœur d’un paysage naturel glacial.
Fresque moderne et tragédie aride, récompensée par le Prix du scénario au Festival de Cannes 2014, Leviathan du Russe Andreï Zviaguintsev n’a de farfelu que son titre : ancrée dans le béton et la paperasse de la société contemporaine, l’histoire s’inspire librement d’un fait divers qui opposa un Américain nommé Marvin Heemeyer aux autorités locales, et se termina par plusieurs bâtiments administratifs rasés après le passage d’un bulldozer conduit par le citoyen désespéré. Que le quatrième film du réalisateur du Retour, Lion d’or en 2003, se déroule dans la Russie d’aujourd’hui, gangrénée jusqu’aux plus hautes sphères politique, renforce cette violence à l’encontre d’un système inhumain, qui écrase l’individu pour nourrir le pouvoir. Ce sentiment d’asphyxie, transporté par le silence de plomb qui pèse sur le cadre, s’incarne dans les impressionnants paysages morbides, quasi mythologiques, vestiges d’un monde autrefois lumineux – la carcasse de baleine de l’affiche, elle aussi corrompue par l'ère moderne. Si Zviaguintsev résiste un peu trop au mélo pour totalement emporter son spectateur, Leviathan, servi par de très bons comédiens, n’en demeure pas moins intéressant et limpide. Ce n’est certainement pas pour rien qu'il a un temps été promis à la Palme d'or, plus encore que Winter Sleep du Turc Nuri Bilge Ceylan, finalement couronné.
Votre note
Commentaires
Encore un très bon film, quelle force, on est totalement ébranlé par ce qu'il se passe, comédiennes & comédiens excellent et c'est peu dire ... MERCI
Film lourd à bien des égards – musique, paysages, confrontations, alcoolisme – mais il est un chef d’œuvre absolu jusqu’au premier tiers et la rencontre entre Dmitri, le citoyen justicier, et le gouverneur corrompu Cheleviat, tous deux ivres-morts. Les antagonismes irréductibles entre ces deux monstres partageant la même profonde ébriété donnent lieu à une séquence absolument sublime. Le film offre encore d’autres scènes dramatiques d’une semblable ampleur dans une ambiance d’angoisse constante. Le rire même nait de la lourdeur, comme lors de la lecture effrénée et interminable au tribunal du contentieux entre les deux hommes. Le récit souffre occasionnellement d’une complète absence de clarté narrative, ce qui ajoute encore au sentiment d’angoisse. En définitive un grand film malgré les traits outrés, comme souvent le maquillage des acteurs de théâtre dont les expressions doivent être vues aussi du fond de la salle.
Le film se déroule au bout du monde, là où le monstre Léviathan vient mordre et lécher sans relâche un bout perdu de terre depuis la nuit des temps.
Un autre film superbe, Winter Sleep, dramatique aussi mais plus touchant, a été tourné en Cappadoce chez les troglodytes.
Ce sont deux retours aux origines, au cadre de vie de nos ancêtres, sans TV, sans portables, sans cinéma sans Internet sans les flons flons de mille combines. Là on voit ce que l’homme a en lui de plus profond.… Voir plus
Sous le regard de Poutine dans le bureau du maire pourri, le combat dérisoire de simples citoyens contre les magouilles en toute impunité du pouvoir local, qu'il soit politique ou religieux. Décor sauvage et puissant, famille fragilisée autant par l'injustice que par ses propres failles, un film à la force sombre, sans autres bouffées d'air que celles de la mer et de sa côte tourmentée. Lesquels des films venus récemment de Chine ou de Russie sont-ils les plus déprimants...?… Voir plus
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