Sous le vent des Marquises, quatrième réalisation de Pierre Godeau, fait discuter l’histoire fictive d’un acteur inventé à celle de Jacques Brel. Un pari majoritairement réussi.

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Alain (François Damiens) est un acteur belge à succès en plein tournage de son dernier film, une biographie de l’immense chanteur de la même nationalité, Brel. Lorsqu’il prend conscience de la réelle gravité de son cancer du côlon, de la probabilité de sa mort imminente, il abandonne abruptement le tournage pour rejoindre au plus vite la Bretagne, où habitent sa fille, Lou, (Salomé Dewaels) et son ex-femme, Valérie (Anne Coesens). En ces terres, il cherchera à combler et remédier à sa quasi-absence de relation avec sa fille, non sans difficulté.

L’idée qui structure ce long-métrage, c’est celle de continuellement mettre en tension la trajectoire de nos personnages avec celle de Brel. Dans le premier tiers, c’est en parsemant la vie de nos protagonistes des scènes du film dont on voit le tournage et d’interviews de Brel – qu’Alain écoute pour se mettre dans la peau du personnage – que la comparaison prend place. Plus tard, en Bretagne, le fait que Lou tombe sur le scénario du long-métrage abandonné permettra à la mise en tension de perdurer. Le lisant, elle s’imaginera les scènes comme si c’était son père et elle qui les interprétaient – espace mental auquel nous aurons accès à l’écran.

Avec ingéniosité, cet agencement – mise en tension de deux récits parfois très similaires, parfois très différents – parvient à provoquer plusieurs effets simultanément : ce notamment dans la première mise en comparaison, où elle en a deux distincts, contradictoires comme cohérents. Alain écoute Brel qui disserte à l’oral sur la propension humaine à se croire immortel·le, alors qu’il fabrique le récipient dont il a besoin pour contenir ses scelles et les faire analyser à l’hôpital – une brique de lait coupée en deux – puis, le remplit (sans que cette action soit visible à l’écran). Si ces deux ensembles se contredisent – l’action triviale et animale d’Alain mise face à la belle et poétique prose orale de Brel – créant alors un effet humoristique, ils se complètent également, l’un exemplifiant l’autre – Alain n’effectuerait pas ce geste s’il n’était pas mortel.

Ce dispositif intelligemment conceptualisé donne une autre ampleur, tout à fait bienvenue, à l’histoire simple, parfois même simpliste (on ne lésine pas sur les clichés), d’Alain et Lou : il permet de réfléchir leur relation, de mieux en percevoir les ambiguïtés, tout comme il la fera avancer. Dans le sens inverse, il permet aussi de peser la place et l’importance du cinéma pour les gens qui sont bien loin de vivre pour l’art. Ici, le septième art est un moyen de se retrouver, et non une fin en soi.

Même si ce fort concept structurant n’est que trop peu exploité esthétiquement, que la qualité des dialogues laisse parfois à désirer – lorsque l’on est face à un film à grand public qui ose proposer de réelles idées créatives, à quoi bon trop se focaliser sur le négatif ?