Burning Corée du Sud 2018 – 148min.

Critique du film

Un thriller ardemment glaçant

Alexandre Janowiak
Critique du film: Alexandre Janowiak

Huit ans après Poetry, Lee Chang-Dong était de retour cette année sur la Croisette avec son nouveau long-métrage Burning. S’il n’a pas reçu de prix de la part du jury présidé par Cate Blanchett, le film du sud-coréen a marqué les esprits, et notamment ceux de la critique internationale qui lui a attribué le prix FIPRESCI.

Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, tombe par hasard sur Haemi, une ancienne voisine du quartier. Elle le séduit immédiatement mais plus tard, et alors qu’elle rentre d’un voyage en Afrique, Haemi lui présente Ben, un homme mystérieux qu’elle a rencontré là-bas. Dès lors, un étrange triangle amoureux s’installe et Ben avoue un étrange passe-temps ...

Burning est l’adaptation de la nouvelle à succès «Les Granges brûlées», présente dans le recueil «L’éléphant s’évapore», du japonais Haruki Murakami. Tout au long du film, le style de l'écrivain est ultra présent et ses thématiques de prédilection sur l’existence, la solitude ou l’aliénation humaine forment le cœur des interactions du trio. Des sujets passionnants au coeur d’un thriller énigmatique particulièrement intense.

La première partie décontenancera plus d’un spectateur. À contrario de la grande majorité des films du genre, Burning prend son temps. Lee Chang-Dong s'attarde élégamment sur le comportement de ses personnages au lieu d'accumuler des révélations, fondées ou non, qui serviront à résoudre l’intrigue. À cet égard, le film met sans doute un peu trop de temps à ancrer le spectateur dans cette atmosphère envoûtante. La première demi-heure s'étire inexorablement et sombre presque dans un attentisme lancinant. Un défaut bien vite rectifié par le réalisateur qui conclut son premier acte par une scène d'amour d'une sublime beauté.

Par la suite, l'ambiance flottante, paranoïaque et aérienne du long-métrage réussit à captiver pleinement. Car au-delà du récit, la mise en scène de Lee Chang-dong est le moteur principal de Burning (avec son superbe trio de comédiens: Jong-seo Jeon, Ah-In Yoo et Steven Yeun). Chacune des interactions entre Jongsu, Haemi et Ben deviennent des moments d’une grâce inoubliable (un magnifique plan-séquence dansant en coucher de soleil sur le "Générique" de Miles Davis). Des moments de pures tensions, des moments profondément nébuleux et sombres, portés par une réalisation des plus inspirées qui atteindra très logiquement son apothéose lors de son ultime séquence; une scène proprement terrifiante, déchirante et terriblement frappante, où le feu ne permettra en aucun cas de nous sortir de cette torpeur glaçante.

En Bref !

Burning peut laisser circonspect à cause de son rythme lent et d'une atmosphère peut-être un poil attentiste. La première demi-heure s'étire d'ailleurs beaucoup trop. Pourtant c'est une œuvre dense, paranoïaque, belle et à la mise en scène impressionnante.

15.05.2019

4

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 6 ans

« Couleurs de l’incendie »

Jongsu, livreur qui se rêve écrivain, est alpagué par Hae-mi, une ancienne camarade. Devenue jolie, elle le séduit sans peine et lui confie la tâche de nourrir son chat, durant son séjour prochain en Afrique. A son retour, Hae-mi lui présente Ben, un homme avenant, rencontré là-bas.

C’est elle qui le reconnaît immédiatement. Lui qui la trouvait moche dans le passé a le regard hébété devant les réussites du temps et du bistouri. Il se laisse charmer par celle qui a faim de trouver un sens à la vie. Son cœur brûle. Mais Ben est de la ville, bien plus beau et si riche. Que fait-il auprès de ces deux âmes errantes, issues d’un autre milieu ? Un trio en déséquilibre qui s’échange un joint comme un baiser, avant de disparaître dans le soleil couchant.

Sans totalement bouleverser, la poésie coréenne intrigue et nous emporte. L’amour glisse et se fait inquiétant. Les couleurs de l’incendie qui réchauffaient, consument. Bleu violacé comme un ciel fragile, avant que ne tombent les ténèbres. Rouge passion comme le sang sur la lame brisant l’étreinte des amants. Jaune orange telle cette mandarine que l’on ne peut qu’imaginer. L’essentiel n’est pas de prétendre qu’elle existe, mais d’oublier qu’elle n’est pas. La force du désir et de l’illusion.

7.5/10Voir plus

Dernière modification il y a 5 ans


Casper73

il y a 6 ans

Adapté, principalement, de la nouvelle du japonais Murakami Haruki « Les Granges Brûlées », ce film réalisé par le coréen Lee Chang-Dong nous offre une plume à ressort qui nous retient captifs plus de deux heures.

Un film d’une beauté âpre aux clés multiples porté par de jeunes acteurs talentueux. L’actrice Jeon Jong-Seo dont c’est le premier film, illumine le caractère solaire de Hae-mi. L’épisode de la mandarine est finement transcrit et fait écho au tracé de M. Murakami.

Corée du Sud. Hea-mi, jeune fille primesautière apprend le mime. Jongsu, modeste ouvrier et écrivain laborieux cite l’auteur Faulkner. Ben, morfondu à Gangnam, se fait des plats une offrande. Un triangle aux côtés inégaux, tant l’injustice sociale distillée en pointillés de graphite, gomme au regard l’isolement de chacun. Lorsqu’Haemi dont Jongsu est amoureux disparaît, Ben, suffisant, s’arroge le droit d’à peine sourciller. Cet homme à la beauté glacée confie à Jongsu qu’il a la manie de bouter le feu à des serres isolées dont plus personne ne prend soin. Son rythme : tous les deux mois. Consommer, consumer d’aucuns se volatilisent, ne laissant que papillons incandescents au cœur des cendres. Peut-être de ceux qui peuvent pousser à la folie ou à l’écriture.Voir plus


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