Pearl France, Suisse 2018 – 80min.
Critique du film
Enfiler des perles
Assistante réalisatrice depuis de nombreuses années pour des auteurs exigeants, Elsa Amiel se lance dans la réalisation avec son premier long-métrage : Pearl. Soit une plongée dans la vie tourmentée de Léa Pearl, athlète culturiste à la carrière prometteuse, à la veille de la finale d’une grande compétition pour laquelle elle part favorite, mais alors que des fantômes du passé ressurgissent.
Sur le papier, et même pendant l’exposition du film, le programme est alléchant. La mise en scène feutrée, riche en couleurs et en contrastes, morcelle et sublime des corps revendiquant crânement un spectacle et une esthétique aussi radicalement différents que masochistes. De cette profusion de corps au travail et en compétition naît à la fois une jouissance de l’image, derrière laquelle se tapit vicieusement une tension palpable, nourrie par les considérables sacrifices physiques et psychologiques de l’héroïne (incarnée par la véritable bodybuildeuse Julia Föry) qui confinent à la maltraitance. Le trop rare Peter Mullan de son côté assure un parfait contrepoint en vieil entraîneur au corps abîmé et pourtant véritable colosse dominateur sur le terrain psychique, soit exactement ce qu’on peut attendre de lui après son mémorable passage dans la saison 1 de Top of the Lake.
Malheureusement, une fois que Pearl le film cesse de s’intéresser aux poids en fonte pour coller dans les pattes de Pearl l’athlète un poids familial, tout s’écroule comme un château de cartes. D’abord parce que la mise en scène fonce droit dans le piège qui lui tendait les bras, à savoir troquer le signifiant pour le cosmétique, et s’encombre de quantités d’effets de style chichiteux d’abord amusants certes, puis redondants et contre-productifs. On pardonnera les clips musicaux lourdauds, ou les voix off décalées dispensables, mais difficile d’excuser cette décision d’abuser des contre-jours, des clairs-obscurs ou des très gros plans sur les visages alors que l’idée était de mettre des corps étrange(r)s en lumière (et paradoxalement c’est lorsque la mise en scène sort du spectacle et se met à hauteur d’enfant, lors d’une scène de stade, qu’elle produit sa dernière fulgurance).
Mais, en plus de refuser de filmer le corps de Pearl l’athlète, Pearl le film se met à s’enfoncer dans une bien plate histoire de rédemption par l’amour et la famille pleine de poncifs... soit à peu près l’inverse de la trajectoire d’émancipation féministe qu’on espérait pour le personnage principal, et surtout d’un sujet pareil.En bref !
Captivant pendant 30 minutes, Pearl se met ensuite inexplicablement à se saboter tout seul. Très frustrant. 4>
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