Misanthrope Etats-Unis 2020 – 119min.
Critique du film
Perte de soi, haine du monde
S’il avait disparu après sa comédie noire caustique Les Nouveaux Sauvages (2014), le réalisateur argentin Damián Szifron revient avec un film policier en langue anglaise brutal et désenchanté, co-produit par Shailene Woodley, formidable dans le premier rôle.
Nouvel An à Baltimore : les célébrations battent leur plein. Soudain, une détonation dans la nuit, recouvert par les feux d’artifices, puis des cris. Sur place, Eleanor Falco (Shailene Woodley), policière, fait face à un massacre clinique, digne d’un professionnel. Remarquée par l’enquêteur du FBI Geoffrey Lammark (Ben Mendelsohn) pour ses capacités d’analyse, Eleanor devient un pion dans une lutte de pouvoir interne. Petit à petit, il lui semble qu’elle comprend le tueur.
Asociale et propulsée dans un milieu d’hommes où règnent les magouilles, Eleanor Falco emprunte beaucoup aux célèbres protagonistes des romans de Thomas Harris : Will Graham et Clarice Starling. Comme eux, elle est recrutée parce que jugée trouble, instable et plus proche du profil d’une tueuse que d’une enquêtrice. Même si le récit n’explorera jamais son passé, il trace un parallèle avec celui du tueur, qui bénéficie d’un traitement malin, quoique gros sabot, très critique de la société américaine. Le personnage de Geoffrey Lammark, et le jeu de Ben Mendelsohn en mentor obsédé par cette traque à l’homme médiatisée, renforcent encore ce sentiment de déshumanisation au quotidien qui lie les personnages.
En dépit de dialogues peu crédibles, trop expositifs, et de citations religieuses confuses qui ponctuent les motivations des protagonistes, le scénario est suffisamment resserré pour rendre chaque séquence impactante. Car ce n’est pas la subtilité que met en images Damián Szifron, mais bien la violence instante, cruelle et sans merci, conséquence des turpitudes humaines et des inconséquences systémiques. Les séquences choc, éparses, sont parfaitement maîtrisées et constituent, avec la musique de Carter Burwell, qui maintient un sentiment de tension perpétuelle, les principaux atouts de Misanthrope.
Détonant jusque dans son final viscéral, le film repose tant sur l’interprétation précise de Shailene Woodley, qui a réussi sa transition depuis ses rôles d’adolescentes, que sur les décors magnifiés. Montréal, où fut tourné Misanthrope, est filmée de nuit, sous tous les angles, et devient, sous la neige rougie, le théâtre d’une lutte aux conséquences malheureusement si réalistes.
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Commentaires
“Nouveaux sauvages”
Alors que Baltimore célèbre la Saint-Sylvestre, un tueur caché assassine 29 personnes. Appelée sur les lieux des crimes, la policière Eleanor va vite être remarquée par Geoffrey Lammark, l’agent du FBI chargé de l’enquête.
La caméra avance à l’envers comme pour signifier que ce monde marche sur la tête. On boit et danse sur les toits qui grattent le ciel en attendant avec excitation l’année nouvelle, quand la foudre s’abat sur la nuque ou dans le cœur de quidams punis par le sort. Le sang qui coule remplace le champagne. Une première séquence maîtrisée qui marque la brutalité du geste. Elle sera suivie d’autres scènes tout aussi sèches avec pour décor un hypermarché ou l’épicerie de quartier. On ne saura d’ailleurs jamais rien du passé de l’héroïne silencieuse. Plus louve qu’agnelle, cette Clarice Starling asociale a son mal-être gravé dans la peau. Son flair lui permet de se rapprocher au plus près du tueur qui préfère les vaches aux humains. Plus expressif, son mentor dévoile une intimité inattendue ajoutant une facette moins stéréotypée à son personnage rigoureux. Lui aussi est en proie à un ennemi qui le ronge de l’intérieur, soit l’incompétence de ses supérieurs, plus disposés à se protéger eux-mêmes que leurs concitoyens.
L’Argentin Damián Szifron nous offre un thriller sombre et de grande qualité. Malgré un portrait-robot crayonné à l’ancienne, il parvient à l’ancrer dans son époque, évoquant par-ci, par-là, la surconsommation, l’effet de masse, la solitude urbaine, le végétarisme, la télé poubelle, les réseaux sociaux, le complotisme, les névroses individuelles… Lourdes sont les références immédiates que sont Jonathan Demme et David Fincher. Autant l’apparenter au Prisoners de Denis Villeneuve par la noirceur réaliste qu’il dégage et son final très proche.
(7.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
C'est un excellent thriller et c'est pour moi la très bonne surprise de la mi-mai. L'histoire est captivante, le rythme y est très bien et les acteurs (trices) sont vraiment excellents. Très bien filmé et ce film se démarque par le côté psychologique des personnages.. Ce polar n'a pas du tout à rougir avec d'autres films de ce genre. (F-15.05.23)… Voir plus
4.25: Les malades malgré eux
Un soir de 31 décembre, Baltimore: tout un immeuble est pris pour cible suivi d’un centre commercial: l’analyse des tirs identifient un seul tireur. Eleanor jeune recrue est repérée par le responsable de l’enquête du FBI, Lammarck, et amenée malgré elle à user de ses vieux démons pour essayer de trouver l’auteur des tirs. Les premières analyses établissent un tireur méticuleux ne tirant qu’une seule balle fatale et une profession bouchère est particulièrement visée.
Le voici ce thriller chasse à l’homme au titre évoquant Molière et une certaine thérapie à ses pièces. Un efficace traitement.
Dès l’entame où des voix-offs nous plongent très vite dans le bain, pas de round d’observation tel notre tireur!!! Puis il faut retrouver sa piste mais surtout le comprendre et tenter d’entrer dans sa thérapie en soi. Et qui de mieux que Eleanor étant elle-même un cas typique au parcours a...typique qui va s’avérer déterminant.
On pourrait peut-être regretter certaines séquences un peu courtes, particulièrement une absence de flash-back sur notre enquêtrice en soi, mais le déroulé palpitant et effrayant ainsi que la satire en soi sur les incompétences politiques face à la réalité du terrain et l’excellence du jeu de Shailene Woodley et surtout Ben Mendelssohn, nous promettent un excellent thriller si amateur/trice du genre avec une issue finalement réaliste sur l’indifférence et une évocation indirecte à Molière dont semble s’inspirer notre tueur et sa principale victime en soi... malgré elle.
A recommander.… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
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