The Hand of God Italie 2021 – 129min.

Critique du film

La grâce de Sorrentino

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Netflix offre un terrain de création à Paolo Sorrentino pour son The Hand of God, une pellicule très personnelle. Une traversée extatique de son adolescence napolitaine, dans une plastique sublime et une prose ravageuse.

Dans ce film aux accents autobiographiques, le cinéaste transalpin situe son histoire dans les années 80. Fabietto Schisa (Filippo Scotti), un ado de 16 ans mal dans sa peau, vit avec une famille excentrique et haute en couleur. Un jour, son quotidien va être bouleversé par l’arrivée de la star du ballon rond, le sauvant miraculeusement d’un accident. Un sauvetage doux et amer, une rencontre inattendue et déterminante pour le jeune homme.

La virtuosité de sa série « The Young Pope », le vertige de « La Grande Bellezza », l’introspection existentielle de « Youth », la diatribe acerbe de « Loro », tant de travaux qui méritent qu’on s’attarde longuement sur le talent de Sorrentino. Et après David Fincher, Alfonso Cuaron, Martin Scorsese et plus récemment Jane Campion, disons merci à Netflix de laisser quartiers libres à ces cinéastes. Et doublement merci à la firme de Los Gatos de donner carte blanche à l’Italien pour mettre en boîte son film le plus personnel, le plus poignant, tragique et drôle. Un seul mot: savoureux! 

The Hand of God, le titre fait référence à cette fameuse « main de Dieu » attribuée à Maradona durant le quart de finale de la Coupe du monde 1986 face à l’Angleterre.

Un hommage à la star argentine, un hommage à ses défunts parents pour un récit initiatique traitant du passage à l’âge adulte. Toujours habité par cette plastique affolante (excellente photographie de Daria d’Antonio), Sorrentino fait montre d’une maîtrise, d’une immédiateté ravageuse, d’une exubérance aussi. Un cinéma d’instinct, une ode au sport, au cinéma, à sa ville et à la vie. Un condensé constitué de grandes lames de fond qui traversent l’esprit. Mais The Hand of God est surtout une fresque tonitruante sur la douleur du deuil, doublée d’une réflexion (personnelle) sur l’effet de la mort des parents - un enchaînement avant d’être un déchaînement.

Dans cette généreuse partition se contorsionne une réalité trop complexe à digérer. « Je n’aime plus la réalité, elle est sale. » avoue Fabietto. Un déni solidement incarné par Filippo Scotti, alter ego de Sorrentino, cherchant un sens à son existence, en avançant et cherchant une forme d’expression pour se réapproprier son bonheur arraché. The Hand of God est une double introspection: tant personnelle qu’artistique, avec une ombre « fellinienne » planant sur le film - Fabietto accompagne son frère au casting du prochain film de Fellini. Clin d’œil et fil d’Ariane du récit.

Une autre ombre persiste, plus poétique: celle du Vésuve. Les couleurs chaudes donnant une esthétique sublime à ses décors viennent se greffer au légendaire volcan. Une métaphore de la passion et des chagrins qui sommeillent en ce gamin, touché par la grâce du Maestro argentin, pour enfin se répercuter sur un autre Maestro, napolitain cette fois-ci.

19.12.2021

4.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

“La vita è bella”

Fabietto coule des jours légers et heureux dans sa famille napolitaine avec l’espoir insensé que Diego Maradona, le meilleur joueur du monde, soit engagé par le club de la ville.

Brune à la poitrine offerte, blondes plantureuses, moinillon qu’on embrasse avant grossesse et main aux fesses, baronne pour un futur lauréat, matrone à la fourrure, jonglerie, espièglerie… Les souvenirs d’enfance de Sorrentino, de retour aux sources, ressemblent à un cirque fellinien entre l’amusement et le grotesque. Réalité et fantasmes se mélangent dans une mise en place longue et déroutante.

Mais quand frappe la tragédie, le silence du deuil opère. Il est temps pour l’adolescent esseulé de grandir et de trouver sa voie. Ce sera le cinéma, le divertissement, car la réalité, malgré la main de Dieu ou le pied magique d’un footballer, n’est que médiocrité. Grâce à son style hors pair, le réalisateur finit par séduire. Un lustre lumineux au sol, à trois sur une vespa, siffler pour se dire « adieu », un volcan à l’horizon, une ouverture sur la mer… Naples n’a jamais été aussi belle.

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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