Flee Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Slovénie, Espagne, Suède, Etats-Unis 2021 – 94min.

Critique du film

Fuir le passé

Critique du film: Maxime Maynard

Sept ans après son dernier documentaire, le réalisateur danois Jonas Poher Rasmussen revient en force avec un film d’animation brillant et intense, nommé dans trois catégories à la cérémonie des Oscars 2022.

Si encore trop souvent dans la culture occidentale, le format d’animation se retrouve étroitement lié à l’enfance, il serait bien risqué de positionner ici la jeunesse comme public cible. Car, comme le magnifique Valse avec Bachir (2008) du réalisateur israélien Ari Folman, Flee aborde des thématiques sombres et parfois brutales dans un superbe documentaire à l’esthétique à première vue enfantine. Mais cette simplicité épurée intensifie, par son contraste évident, une émotion omniprésente. Les couleurs lumineuses attirent les regards et flattent l’image dans un parfait jeu de tonalité, gracieuse illustration d’une variation de sentiments. Les dessins, aux formats déjà diversifiés, s’entrecoupent d’images d’archives, témoins d’une certaine noirceur de l’âme humaine.

Car toujours, l’horreur de la guerre se permet de transformer les populations en chair à canon. Des pertes, superflues pour les puissants, qui tacheront à jamais l’Histoire d’un sang innocent. Ainsi, l’Afghanistan des années 80 se fait le terrain malheureux d’un affrontement par procuration des forces soviétiques et américaines. Une pièce de l’échiquier qui, une fois la partie avortée, se déchire dans les méandres d’une guerre civile. Face à l’instabilité du pays, Amin et sa famille se décident à fuir, afin d’échapper à l’effroyable réalité d’un quotidien potentiellement funeste. Devant la brutalité d’un passé bien loin d’être révolu, nous ne pouvons en sortir indemne. Et Flee de devenir la magnifique voix des réfugiés dans un tourbillon de souvenirs personnels et historiques.

En toute intimité, le protagoniste se dévoile au micro de Jonas Poher Rasmussen. Des conversations incluses dans l’œuvre, rythmées d’illustrations des événements contés. Ainsi, les mots s’enchaînent dans de violentes descriptions. De la vie des réfugiés en Russie du début des années 90 à la cruauté des passeurs : le récit, marqué d’une constante intensité, trouve un certain répit dans les moments de douceur propres aux relations amoureuses et familiales. Délicatement abordé, l’impact du trauma sur un présent pourtant joyeux, se ressent dans chaque moment d’hésitation et de doute. Mais malgré le poids de ces révélations, Flee diffuse la chaleur d’un espoir apprécié et partage ainsi la force de l’être humain dans sa quête de liberté.

Avec réussite, Jonas Poher Rasmussen aborde l’histoire d’un homme confronté aux perturbations de son pays. Un documentaire animé, intense et humain, nécessaire dans l’illustration d’un passé qui hante encore et toujours l’Afghanistan, pour un chef-d'œuvre du cinéma. À ne surtout pas rater.

29.08.2022

5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 2 ans

« Le cerf-volant de Kaboul »

Dans un entretien avec un ami danois, Amin raconte pour la première fois sa fuite d’Afghanistan et son arrivée à Copenhague.

Le récit du trentenaire, allongé sur une sorte de divan dur, prend l’allure d’une psychothérapie. Son enfance à Kaboul dans les années 80 cumule les souvenirs joyeux, malgré l’absence d’un père qu’il n’a jamais connu. Mais le petit garçon qui aime se faire remarquer en portant les robes de ses sœurs et fantasme sur les posters musclés de Jean-Claude Van Damme ressent déjà la différence qui vit en lui. Quand les moudjahidines remportent la guerre et prennent le pouvoir, il n’a d’autre choix que d’échapper à ce pays qui ne le reconnaît pas.

Amin évoque alors Moscou et la cruauté crasse des policiers corrompus. La rapacité des passeurs traitant les clandestins moins bien que du bétail. Les sacrifices de sa famille pour lui permettre d’atteindre des contrées plus enclines à l’accepter. Le poids, la pression et la peur de les décevoir. Et ce désir si humain de trouver plus qu’un refuge, une maison, un foyer.

Afin de préserver son anonymat, c’est par le filtre du dessin que s’expriment les mots du narrateur. De la couleur pour illustrer le bonheur familial et son existence contemporaine. Des fantômes gris, sans yeux, sans visage, quand la mémoire devient douleur. Quelques images d’archives viennent ponctuer le récit comme pour en renforcer la véracité de documentaire. Seule une animation trop saccadée vient perturber l’ensemble. Le témoignage demeure néanmoins fort et poignant. Trouver sa place en tant qu’émigré et homosexuel n’a rien d’une sinécure et constitue un défi au quotidien.

(8/10)Voir plus

Dernière modification il y a 2 ans


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