Ninjababy Norvège 2021 – 103min.
Critique du film
Femme ne veut pas dire mère
Dans son deuxième long-métrage, basé sur un roman graphique de Inga Sætre, la réalisatrice Yngvild Sve Flikke bouscule les stéréotypes de genres en racontant les déboires de Rakel, une jeune femme qui découvre tardivement qu’elle attend un enfant, mais qui n’en veut pas. La cinéaste norvégienne propose un récit où les rôles et les prétendues ambitions de chacune et chacun sont remis en question.
Elle n’avait pas imaginé ce scénario. Rakel Kristine Kujath Thorp, la vingtaine, vit en colocation avec sa meilleure amie. Ensemble, elles font la fête et ont des aventures d’un soir. La journée, Rakel s’adonne à sa passion, le dessin. Mais l’insouciance de la jeune femme et sa vie décousue en prennent un sacré coup lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte… de 6 mois. Rakel ne désire pas d’enfant, et il est trop tard pour recourir à un avortement. La seule option envisageable est l’adoption.
Les jours passent et Rakel commence à tisser un lien particulier avec le petit être qui grandit en elle. Elle le surnomme « Ninjababy » et en fait même un personnage animé avec qui elle converse. Mais voilà, au milieu de cette foule de sentiments qui viennent tourmenter la jeune femme, Rakel le sait et le clame depuis le début : elle n’a aucune envie de devenir mère.
Ninjababy fait partie de ces films inscrits dans une nouvelle ère qui s’attèlent à mettre en lumière des personnages féminins plus complexes et authentiques, illustrant la diversité féminine. Au même titre qu’un film comme The Lost Daughter (2021), où sa réalisatrice Maggie Gyllenhaal traitait du lien torturant entre une mère et ses deux filles, Yngvild Sve Flikke propose une figure féminine qui détonne par ses choix considérés comme politiquement incorrects. Et le monde de découvrir, et le cinéma d’oser déconstruire les stéréotypes et d’enfin montrer qu’être femme ne va pas nécessairement de pair avec désir de maternité. Certaines réalisatrices ont aujourd’hui fait le choix de dépeindre cette hétérogénéité, combattant par la même occasion les clichés à l’endroit des femmes véhiculés par une société normative.
Présenté notamment en 2021 à la Berlinale et au festival du film de Zurich, Ninjababy témoigne du désir d’Yngvild Sve Flikke de créer des personnages et des histoires auxquels les femmes peuvent réellement s’identifier. Après un premier long-métrage en 2015, Women in oversized men’s shirts, la réalisatrice nordique adapte sur grand écran un roman graphique de Inga Sætre «The Art of Falling». Ensemble, elles co-signent avec Johan Fasting le scénario de cette comédie dramatique portée par une distribution talentueuse, dans laquelle on retrouve Kristine Kujath Thorp dans le rôle principal, drôle et touchante, rejointe par Tora Christine Dietrichson, Nader Khademi, et Arthur Berning.
Ponctué de dessins d’animation, le métrage questionne les rôles et les responsabilités de chacune et chacun dans une grossesse, et traite du sujet complexe de la maternité avec autant de légèreté que d’objectivité. Si la thématique est difficile à aborder, Yngvild Sve Flikke s’en empare avec lucidité et justesse. Parmi d’autres, Ninjababy se révèle un film nécessaire pour illustrer les femmes dans leur diversité, mais aussi les hommes, loin des représentations socialement construites.
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Commentaires
“Grossesse nerveuse”
Seins gonflés, sens altérés et ventre ballonné, Rakel doit bien admettre qu’elle est enceinte. Reste à identifier le père de ce bébé qui commence à lui parler.
Sperme, caca, menstruations, avortement, adoption, rares sont les tabous en Norvège. Rakel, future bédéiste, ne craint rien ni personne, si ce n’est cet être inattendu qui grandit en elle et sur le papier. Au point que son angoisse s’incarne en un poupon animé qui tel un diablotin sur son épaule lui prodigue conseils et reproches. Que faire de ce monstre intérieur en l’absence de tout instinct maternel ? Que dire au prof d’aïkido qui sent bon le beurre et à Jésus-Trique, capable d’éjaculer dans une casserole, les deux hommes de sa vie actuelle ?
Grande sœur de Juno l’Américaine et cousine éloignée de la délicieuse Julie, Rakel a moins de charme que ses parentes. Plus cash et trash que drôle, elle finit tout de même par s’adoucir au contact des autres. Les dessins qui simulent le fœtus, les scènes de sexe et l’accouchement ne séduisent pas toujours et les altercations mordantes avec l’enfant à venir auraient gagné à être plus nombreuses. Néanmoins, la réalisatrice de cette comédie aigre-douce permet aux femmes de ne pas être qu’une mère et aux hommes d’incarner un père digne et responsable.
(6/10)
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