Birds of America France 2021 – 84min.

Critique du film

Faire voler les oiseaux disparus

Critique du film: Colin Schwab

Habitué des portraits d’artiste qu’il réalise pour la télévision, Jacques Lœuille s’intéresse ici à un peintre français passionné d’ornithologie : il signe ainsi son premier long-métrage documentaire.

Au début du XIXe siècle, Jean-Jacques Audubon, français expatrié, navigue sur le Mississippi, observe les oiseaux vivant sur ses rives : il les dessine, les peint et construit petit à petit un gigantesque registre des volatiles du «Nouveau Monde», passionnant tant pour son aspect documentaire qu’artistique. Deux siècles plus tard, Birds of America nous emmène dans le même voyage, naviguant sur le même fleuve, observant l’évolution de la faune et de la flore tout en évaluant si les craintes d’extinction émises par le peintre français ont pris forme.

Constituant une grande partie des visuels du documentaire de Jacques Lœuille, les œuvres passionnantes d’Audubon nous emmènent dans un monde étrange, à la limite du fantastique : certain des oiseaux qu’elles représentent semblent venus d’un autre univers, d’une autre planète. Cette dernière, c’est la nôtre, avant qu’elle ne soit balayée par la révolution industrielle.

Son travail de longue haleine, l’artiste le faisait la boule au ventre, comme persuadé que ce qu’il documentait était voué à disparaître dans un avenir proche. Une peur on ne peut plus justifiée. Aux oiseaux fantastiques des rives du Mississippi se sont substitués de gigantesques bâtiments industriels, déversant leurs liquides de mort dans le fleuve ; aux peuples natifs qui y vivaient en harmonie avec la nature et ses habitants, des marécages inhabitables, gagnant toujours plus de terrain.

Par le biais d’interviews, Birds of America nous renseigne efficacement des versants de la pensée des colons puritains – caractérisée par le sentiment d’être le peuple élu, pour lequel la nature luxuriante serait un inépuisable cadeau divin – ayant pu mener à cette destruction massive. En redonnant vie aux animaux et à l’environnement que les œuvres représentent, le film ré-établit le lien entre nature et culture d’un pays dont le pouvoir économique repose en partie sur la séparation de ces deux sphères.

Outre l’utilisation immersive des planches d’Audubon, la réponse formelle que le film adresse aux horreurs qu’il décrit étonne : de jolis plans léchés, rythmés par de la musique dramatique passe-partout et omniprésente. Mais cet écart entre contenant et contenu est pardonnable. Il semble exister pour que la forme soit accessible au plus grand nombre, qu’elle permette de répandre son message écologiste au plus loin, sans chercher à satisfaire une cohérence artistique qui en perdrait plusieurs au passage.

22.04.2024

3.5

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