Chronique d'une liaison passagère France 2022 – 100min.
Critique du film
Aucun souvenir assez solide
Présenté à Cannes au sein de cette sélection légèrement fourre-tout qu’est « Cannes première », le dernier long-métrage d’Emmanuel Mouret s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de ce cinéaste qui, depuis Un baiser s’il vous plaît, n’a cessé de réfléchir les rapports amoureux.
La routine de Simon, un homme marié et père de famille, change radialement lorsqu’il fait la rencontre de Charlotte, une mère célibataire qui ne semble plus attendre grand-chose des relations amoureuses. Embarqués dans une liaison adultérine organisée autour d’une promesse – aucun engagement, uniquement du plaisir, rien que du plaisir –, les amants finissent néanmoins par s’attacher par-delà leurs attentes. Un rendez-vous avec une certaine Louise changera cependant la trajectoire de leur histoire…
Nouvelle variation autour des relations entre les sexes – le motif principal de son cinéma –, le nouveau long-métrage d'Emmanuel Mouret ne prend pourtant aucunement la forme d’une redite. Car si le réalisateur reste monomaniaque dans les sujets que son œuvre aborde, leurs traitements, eux, semblent gagner en précision et en clarté. L’écriture, d’une simplicité délicieuse, se combine ici parfaitement à une mise en scène simple, épurée, qui ménage aux acteurs un terrain de jeu excitant. Alors que Sandrine Kiberlain prouve une nouvelle fois qu’elle sort du lot, Vincent Macaigne trouve ici un rôle qui lui convient à ravir : chacun de leur échange est magnifié par une caméra attentive à l’énergie (parfois burlesque !) de leur corps.
Malgré une écriture qui cherche continuellement à se départir de son double héritage, à la fois rohmérien, inévitablement, et de celui, plus englobant, d’une certaine tradition du cinéma français, centré autour de Paris et de ses drames amoureux, le projet de Mouret tombe tout de même dans quelques lieux communs regrettables : grandes discussions philosophiques autour de l’Amour ou de la Nature, mobilisation d’un personnage typique, l’étudiante en lettres, cultivée et déconstruite, et quelques plans au bord de l’eau sont attendus et, par conséquent, dispensables.
Cependant, on ne saurait tenir au travail de Mouret trop lourdement rigueur, tant son dernier film, malgré ces quelques réserves finalement assez élémentaires, ne ternissent nullement la qualité exceptionnelle d’un long-métrage ouvert au vertige des sentiments. D’où cette crainte, cette anxiété accablante, chez Simon, de toujours penser ses entrevues avec Charlotte sous le signe de la dernière fois. Car, Simon est un personnage en plein vertige, pris dans le tiraillement de celui qui sait son amour pour Charlotte incompatible avec sa vie familiale. Mais lorsque l’on est atteint de vertige comme Simon, il devient difficile de distinguer la souffrance du désir : c’est que le vertige, on le sait, c’est l’ivresse ressentie devant sa propre faiblesse, c’est un épouvantable désir de tomber. C’est précisément pour cette raison que Simon s’accommode aussi bien de cette situation, malgré son caractère immoral : c’est que la souffrance que lui procure son inconstance se donne aussi comme l’origine de sa jouissance.
Aussi, l’angoisse perpétuelle de Simon de voir sa liaison s’estomper se donne comme le miroir négatif de la passion que Charlotte nourrit pour le souvenir. C’est que, d’une certaine manière, les amants partagent une seule et même certitude : c’est qu’il existe un écart effrayant entre la réalité au moment où elle se vit et l’étrange irréalité que revêt ce même vécu lorsqu’il est réduit au souvenir. Le seul problème, dès lors, réside dans la manière de se positionner face à cette évidence : soit, comme Simon, on subit la tragédie de l’amour, soit, à la manière de Charlotte, on épouse les charmes de la tristesse. À ce titre, il convient de souligner que l’une des dernières séquences du long-métrage s’organise autour de cette polarisation : un travelling avant se rapproche du visage mélancolique de Charlotte avant que ne s’amorce un montage aussi ingénieux qu’émouvant. Ainsi, sa fonction consiste à déplier la mémoire, à nous faire revivre, dans un dernier élan de nostalgie, un amour qui ne sera jamais plus.
Votre note
Commentaires
La critique de CineFilik est parfaite. Rien à ajouter, ni à soustraire. Ce film est délicieux, tellement charmant. Un peu bavard c’est vrai.
“On ne badine pas avec l’amour”
Femme entreprenante et mère célibataire, Charlotte fréquente Simon, un homme marié. Tous deux ne souhaitent pas autre chose que de se contenter de l’instant présent, sans attaches ni complications.
Un verre ou deux, une tisane et au lit. Pourquoi perdre du temps décide Charlotte qui ne craint rien ni personne, mais exècre la passion. De quoi décontenancer le modeste Simon, époux quasi fidèle et peu sûr de lui. « Ça va vite », clame-t-il comme pour se défendre avant de céder au désir. Les rendez-vous s’enchaînent, les jeudis d’abord, puis les mardis, au musée, chez soi ou en forêt. Tout paraît si simple quand on ne s’en fait guère. Et si l’on essayait un plan à trois ? Mais peut-on badiner ainsi avec l’amour ? Il suffit que le mot soit lâché pour qu’un zoom avant traduise le vertige.
Au-delà de Musset, Mouret se prend pour Woody Allen dans cette comédie douce et mélancolique qui parle beaucoup, au risque de lasser. Elégant cependant, il transforme la gazelle Kiberlain en une Annie Hall libre et agissante. Face à elle, l’ourson aux yeux tristes Macaigne se laisse faire avec envie. Un couple épatant. L’un et l’autre vont et viennent dans des tableaux avant de disparaître derrière un mur, un arbre ou dans l’ombre chinoise. Le besoin assurément de sortir du cadre, tout comme les scènes de sexe maintenues hors-champ. Après des retrouvailles devant Bergman, la petite fugue finale peut décevoir. Ne vous en déplaise, en dansant la javanaise, ils se sont aimés… le temps d’une chanson.
(6.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 2 ans
Ça pourrait être une pièce de théâtre car ce presque huis-clos avec d'excellents acteurs et dialogues ne se passent que dans des appartements ou hôtels. Très bien interprété par Kiberlain, Macaigne est totalement à l'aise mais avec presque trop de textes qui en devient sur la fin légèrement agaçant. Un très bon moment de cinéma. (G-14.09.22)… Voir plus
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