Pourquoi tu souris? France 2024 – 95min.

Critique du film

Se parer de la misère comme d'un costume

Critique du film: Eleo Billet

Les réalisateurs et scénaristes Chad Chenouga et Christine Paillard s’allient à Jean-Pascal Zadi, Emmanuelle Devos et Raphaël Quenard pour proposer une comédie dramatique sociale. Mais tous leurs bons sentiments ne permettent pas à Pourquoi tu souris? de raconter une histoire consistante, ni de faire sourire sans grincer des dents.

Ils n’étaient pas faits pour se rencontrer, et pourtant. Wisi (Jean-Pascal Zadi), qui se rêve vigneron, erre sans domicile dans les rues de Bordeaux. Il flaire le bon coup de se faire passer pour un sans-papiers et réussit à se faire héberger par la bonne poire humanitaire Marina (Emmanuelle Devos). Jérôme (Raphaël Quenard), belle gueule désargentée, embobine à son tour Marina et, pour payer la tombe de sa mère sans avoir à travailler, monte une arnaque avec Wisi.

Avec un postulat qui aurait davantage sa place dans un discours de politicien opposé aux aides sociales que dans une comédie à l’esprit bon enfant, Pourquoi tu souris? était mal parti. Si les premières péripéties de Wisi à Bordeaux sont plutôt entraînantes, grâce au jeu de Jean-Pascal Zadi plein de bonhommie, la mise en scène et la photographie sont déjà en reste. Ses échanges avec Emmanuelle Devos dessinent un duo attachant qui ne prend finalement jamais forme, puisque bousculé par l’arrivée d’un autre trublion.

Ici, Raphaël Quenard répète son personnage de beauf raciste et homophobe auquel il nous avait habitués. Seule variation: de l’émotion au souvenir de sa mère et son impossibilité de lui rendre hommage. Cette motivation du personnage est finalement noyée dans les trop nombreuses directions que font prendre le film à Jérôme. Tantôt proxénète amateur, faux handicapé (dans une caricature dangereuse), vrai escroc et charmeur érudit, Raphaël Quenard efface le parcours de Jean-Pascal Zadi. Ce dernier se perd dans une histoire d’amour qui, comme le récit, ne débute jamais, comme bloquée au premier chapitre.

Avec son humour politiquement incorrect et sa fin mièvre et naïve, Pourquoi tu souris ? a tout d’un premier film déséquilibré par ses ambitions narratives et sa réalisation bancale. Dommage, qu’en outre, il dépolitise la pauvreté et ne fasse même pas sourire.

23.07.2024

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Commentaires

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Eric2017

il y a 2 mois

Tout y est dans ce film, l'humour, la tendresse, l'amitié avec deux acteurs à en devenir R. Quenard et J-P Zadi, le tout soutenu par Emmanuelle Devos et des dialogues à la hauteur de l'histoire. Quenard est vraiment très bon. Il m'avait déjà beaucoup plus dans le dernier Dupieux. Film très sympa. (G-22.08.24)Voir plus


CineFiliK

il y a 3 mois

“Quenard et Zadi dans le métro”

A Bordeaux, Wisi se fait passer pour un sans-papier africain avec accent afin d’amadouer Marina. Profitant de la supercherie, Jérôme, également en galère, parvient à son tour à s’incruster chez l’accueillante travailleuse sociale.

Il se rêvait œnologue et se retrouve à la rue. Trop grand, trop noir, trop souriant. Il a tout perdu en perdant sa maman et prétend souffrir d’une phobie qui l’empêche de travailler. Elle tente de combler l’absence de ses proches en s’entourant de nécessiteux. Entre chiens errants et bonne poire, il y avait mieux à faire que cette suite de quiproquos construits sur le mensonge, se moquant gentiment des miséreux, réfugiés, bégayeurs, humanitaires et rombières. Les situations gênantes s’enchaînent sans éclat. Quenard et Zadi bricoleurs. Quenard et Zadi jouent les « escorts ». Quenard et Zadi découvrent le viagra. Quenard et Zadi apprivoisent une mégère. Quenard et Zadi s’attendrissent auprès d’une mère éplorée. Quenard et Zadi sauvent de la police un vrai migrant. Tout ça sous les yeux bien trop crédules d’une Emmanuelle Devos, qui n’hésite pas à laisser de côté un peu de sa morale pour les supporter. Les trois aimables comédiens peinent ici à briller, se révélant dans leurs personnages plus agaçants que drôles ou émouvants. Les dernières lignes chipées à Baudelaire tentent de relever le niveau : « Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur ! ». Mais il est déjà trop tard.

(4.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 mois


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