Kritik21. Februar 2022

Berlinale 2022 - Ours d'or pour «Alcarràs», le conte agricole de Carla Simón

Berlinale 2022 - Ours d'or pour «Alcarràs», le conte agricole de Carla Simón
© LluisTudela

Ours d’or cette année au 72e festival du film de Berlin, la cinéaste espagnole Carla Simón a conquis le jury présidé par M. Night Shyamalan avec une fresque familiale au cœur de ses vergers. «Alcarràs» croise la récolte des fruits au destin singulier d’une famille en danger, accrochée à ses terres et à son artisanat.

Les 7 pêchers capiteux

Après «Été 93», la réalisatrice a puisé dans son histoire personnelle pour raconter le destin de cette famille et ses pêchers à quelques encablures de Saragosse. Une vision de la ruralité dans ce coin d’Espagne, alors que les pêches ne rapportent plus et qu’un exploitant leur propose de découper leurs terres pour y installer des panneaux solaires. Une vie portée par le paternel Quimet (Jordi Pujol Dolcet) qui s’épuise à la récolte, avec le patriarche, son beau-frère, sa progéniture, et un peu de main d’œuvre recrutée à la volée sur la place du village. Dans les allées du verger, ce sont trois générations qui ensemble cueillent soigneusement les pêches, et la grand-mère de raconter quelques histoires dans un coin du cadre.

Sous le soleil exactement

Une pellicule gorgée de soleil, ici rien ne se passe vraiment, et pourtant. «Alcarràs» s’ouvre sur les terres, et la caméra balaye le vent et la roche aride de la catalogne. Il y a les enfants qui jouent dans une carcasse de 2CV, et bientôt leur terrain de jeux est détruit ; comme une préface au drame de la famille Sollé menacée d’expulsion. Jadis, le grand-père n’avait pas signé de contrat, et le propriétaire s’est envolé, emportant avec lui la promesse qu’il avait faite après la guerre civile. Ainsi les Sollé vivotent en désespoir de cause, rompus à la récolte, ayant à peine la force, sinon le temps, de se révolter avec les autres de la coopérative.

Un conte agricole

Carla Simón profite d’une réalisation modeste, attentive, naturaliste et épurée, pour conter ce drame silencieux. Ce récit subtil prend des airs de grandes paraboles générationnelles sur le monde agricole et la crise paysanne. «Alcarràs» s’observe autant qu’il s’écoute, parmi les comptines du grand-père et le désespoir de la jeune sœur. L’absurdité d’une fratrie qui s’échine à maintenir son activité en déclin. Un équilibre familial dont le sort est scellé d’avance, rongé par ses querelles internes et les enfants, impuissants, d’en être les premières victimes. Ainsi le film de Carla Simón rappelle Chloé Zhao et son travail dans «The Rider». Un récit ethnographique à l’aube d’un nouveau monde, dont le spectateur se fait le témoin privilégié.

4/5 ★

Plus d'informations sur «Alcarràs».

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