Kritik26. Mai 2023 Cineman Redaktion
Cannes 2023 : «Laissez-moi», portrait de femme dans une production entièrement suisse
Le réalisateur suisse Maxime Rappaz a présenté son premier long métrage, «Laissez-moi», dans la section Acid du Festival de Cannes. Avec Jeanne Balibar dans le rôle principal.
(Une critique de Marine Guillain, depuis Cannes)
Une fois par semaine, Claudine (Jeanne Balibar) enfile sa robe blanche habituelle et ses bottines brunes, applique son rouge à lèvres et prend le train, puis le téléphérique, pour se rendre dans un hôtel de montagne, au pied d’un immense barrage. Là, à 2500 mètres d’altitude, elle demande au réceptionniste qu’il lui donne quelques informations sur les clients présents, en échange d’un petit billet. Les critères sont simples : des hommes seuls, qui ne restent que peu de temps.
Chaque mardi, c'est le même schéma: elle les aborde, leur demande de parler de la ville où ils habitent, couchent avec eux et repart. Elle retranscrit sur une carte postale les histoires que les hommes lui ont racontées sur Florence ou Hambourg, et envoie ces cartes à son fils handicapé (incarné par le comédien lausannois Pierre-Antoine Dubey), en lui faisant croire qu’elles viennent de son père. Le reste de son temps, Claudine le passe avec son fils, justement, de qui elle s’occupe sans compter. Mais, si une autre vie était possible ?
Mis en scène par Maxime Rappaz, «Laissez-moi» est la seule production 100% suisse sélectionnée à Cannes cette année. Le réalisateur, né à Genève, mais d’origine valaisanne, a choisi son décor en premier lieu, avant d’écrire son scénario. Puis, il a imaginé la double vie de cette femme, qui vit son quotidien en plaine et s’évade en montagne. Dans ce cadre-là, le barrage de la Grande-Dixence, dans le Val d’Hérens, s’impose comme un personnage à part entière. Mais la répétition des plans, le plus souvent serrés sur le visage de Jeanne Balibar - sublimée par une caméra pleine d’amour - et rarement capturé en plans larges, procure davantage une sensation d'étouffement que de liberté. Loin d’être filmés comme une carte postale que Claudine enverrait à son fils, bien au contraire, les paysages valaisans donnent l’impression d’un monde à part, un peu mystérieux et hors du temps.
Au fil du film, Claudine, mère courage qui assume ses désirs et ses choix, réalise un parcours personnel que Maxime Rappaz filme avec délicatesse et sobriété. La mélancolie enveloppe les spectateurs et spectatrices, alors que la quinquagénaire remet doucement en cause certains sacrifices et une forme de solitude dans laquelle elle s’est installée.
3/5 ★
Extrait «Laissez-moi»
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