Kritik12. Oktober 2022 Theo Metais
«A l'Ouest, rien de nouveau» - Récit apocalyptique de la Première Guerre mondiale
Adapté d’un grand classique de la littérature du XXe siècle, le cinéaste allemand Edward Berger nous embarque au plus près des horreurs de la Première Guerre mondiale.
Il appartient parfois au cinéma de faire naître des émotions complexes au cœur de films que nous aurions presque souhaité ne jamais avoir vus. «À l'Ouest, rien de nouveau» sera certainement de ces œuvres. Abjecte, éprouvant, le spectacle de désolation offert par le périple du soldat Paul Bäumer et ses camarades est d’une abomination telle qu’il pourra écorcher. Pourtant, et une fois les 2 h 30 digérées, la contemporanéité du message est on ne peut plus vibrante.
Les grands angles de James Friend et ses plans douloureusement magnifiques, les mêmes qui vaudront à Roger Deakins une nomination aux Oscars pour «1917», rappellent combien la mise en scène des ignominies de la guerre à l’écran est complexe. «1917» avait fait la part belle à la technique, d’ailleurs prodigieuse, pour nous immerger au cœur du périple herculéen du grand-père de Sam Mendes sur la ligne Hindenburg. Et nous voilà de l’autre côté de l’histoire, du moins à quelques encablures, non loin du Chemin des Dames.
En 1917 l’Allemagne encaisse d’énormes pertes humaines, et bientôt un certain Matthias Erzberger (incarné par Daniel Brühl aussi producteur) entend mettre un terme à l’innommable. Dans la forêt de Compiègne, l’Armistice est sur les rails, mais à l’aube de l’arrêt des combats, la guerre persiste jusqu'au 11 novembre 1918 à 11 heures précise. C’est dans cet interstice de quelques mois que se glissent le livre éponyme du journaliste et écrivain Erich Maria Remarque publié en 1928, et aujourd’hui le visionnage épineux d’«À l'Ouest, rien de nouveau». «Seule une fierté mal placée nous sépare d’un cessez-le-feu définitif» entendons-nous de la voix d’Erzberger. Entre-temps, la «jeunesse de fer» de l’Allemagne se heurte aux flammes, aux tanks, au gaz, à l’hiver et aux rats.
Un film qui posera une nouvelle fois la précieuse et inflammable question de la représentation des horreurs. Pour la méditer, le cinéaste et ses équipes nous livrent le paysage épouvantable de cratères apocalyptiques, pareils à la lune, et des corps qui s’y entassent et se confondent à la terre. Une pellicule anxiogène, asphyxiante, marécageuse, où la boue des tranchées se gorge d’une pluie diluvienne, de barbaques démembrées, putrides; et du sang coulé pour défendre une ligne qui, 3 ans durant, va terrasser trois millions de vies.
L’œuvre originale adaptée à six mains ne rate aucun des élans pacifistes, et l’ingéniosité du montage de Sven Budelmann nous le rappelle chaque fois. Ni manichéen ni esthétisant, si certains plans s’éternisent, les performances des acteurs permettront au film de surnager au-dessus d’une simple mise en scène des boucheries de l’Aisne. L’autrichien Felix Kammerer y est d’ailleurs crépusculaire. Première adaptation venue d’Allemagne après les adaptations de Lewis Milestone en 1930 et plus tard en 1979 par Delbert Mann, «À l'Ouest, rien de nouveau» vous prendra par les tripes. Une œuvre antimilitariste, stridente et viscérale, un hurlement pour la paix.
4,5/5 ★
Au cinéma depuis le 12 octobre.
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