Kritik29. Mai 2024

Critique de «Goodbye Julia», le cinéma endiablé de Mohamed Kordofani

Critique de «Goodbye Julia», le cinéma endiablé de Mohamed Kordofani
© trigon-film

Ayant laissé de côté son travail d’ingénieur en aéronautique pour se consacrer au cinéma, le réalisateur Soudanais Mohamed Kordofani signe avec son premier long-métrage une œuvre saisissante sur les remous politiques de son pays, récompensée du Prix de la Liberté au précédent Festival de Cannes.

(Un texte de Damien Brodard)

Au milieu des années 2000, alors que le Soudan devient de plus en plus instable à cause des conflits idéologiques et politiques entre le Nord et le Sud du pays, deux femmes se lient d’amitié. Mona (Eiman Yousif) est une ancienne chanteuse musulmane de classe moyenne, désormais femme au foyer, tandis que Julia (Siran Riak), une chrétienne du Sud, vit bien plus modestement dans un quartier défavorisé. À la suite d’un drame, Mona engage cette dernière comme domestique, la laissant habiter chez elle avec son jeune fils. Il demeure toutefois certains non-dits entre les deux femmes.

En cinéaste prometteur, Mohamed Kordofani parvient habilement à raconter les tourments qui ont chamboulé le Soudan il y a une quinzaine d’années en les incarnant dans ses deux personnages féminins principaux. Lutte des classes, différends politiques ou religieux, racismes et inégalités, la mise en relation de ces deux femmes interroge le vivre-ensemble d’un peuple en train de se déchirer. Grâce à l’interprétation des actrices Eiman Yousif et Siran Riak ainsi qu’à une écriture sagace qui évite autant que possible le manichéisme, le récit de «Goodbye Julia» s’imprègne d’une ampleur thématique brillante, même s’il souffre d’un ventre mou.

Critique de «Goodbye Julia», le cinéma endiablé de  Mohamed Kordofani
«Goodbye Julia» © trigon-film

Il en va de même pour la mise en scène qui alterne la captation bouillonnante du contexte avec un travail minutieux de composition lorsqu’il s’agit de confronter les héroïnes. Malgré leurs différences dans un chaos grandissant, la complicité de Mona et Julia irradie, telle la promesse d’une réconciliation espérée, bien que construite sur un tissu de mensonges. Kordofani réussit là un geste passionnant et maîtrisé, d’autant plus impressionnant qu’il évite bien des écueils que l’on pourrait attendre d’une première œuvre.

4/5 ★

Au cinéma depuis le 29 mai.

Plus d'informations sur «Goodbye Julia».

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