Kritik5. März 2024 Cineman Redaktion
Critique de «Les Giacomettis», filiation artistique au creux de la vallée
Chez les Giacometti, il n’y a pas qu’Alberto, ses femmes longilignes et son chien filiforme qui semble flâner, la truffe au ras du sol. Si le sculpteur était le plus connu de la famille, le film met en lumière ses parents, ses frères et sa sœur, chez lesquels l’art semblait être un héritage génétique.
(Un article de Laurine Chiarini)
Originaire des Grisons, la réalisatrice Susanna Fanzun a voulu raconter l’histoire d’une famille qui la fascinait depuis l’enfance : celle des Giacometti, lignée d’artistes qui vivaient dans la vallée voisine. À partir d’images tournées initialement pour un documentaire en 2001, année du centenaire de la naissance d’Alberto Giacometti, elle remonte le fil des trajectoires des parents et de leurs quatre enfants. Construit à partir de témoignages, d’œuvres et d’images d’archives, le récit revient toujours à Stampa, petit village italophone du Val Bregaglia où vivait la famille.
L’art d’Ottilia la sœur, s’exprimait sur la trame des tissus ; Diego concevait des meubles et Bruno était architecte. L’histoire des Giacometti, c’est également celle des deux guerres mondiales et d’une constellation d’artistes dans une Europe en ébullition. Entre le peintre Cuno Amiet, ami de Giovanni, le père, et le cercle des surréalistes, dans lequel Alberto sera admis à Paris, émergent d’autres noms connus : Albert Anker, Ferdinand Hodler et Giovanni Segantini, autant de peintres qui avaient posé leurs chevalets en Suisse et dont les tableaux se retrouvent fréquemment à dialoguer sur les murs des musées helvétiques.
La bonne idée de Susanna Fanzun réside dans l’égalité – proportionnelle – de traitement qu’elle accorde à chacun de ses protagonistes, en particulier la place qu’elle ménage aux femmes, souvent malmenées par l’histoire ou leur entourage. Alors qu’Ottilia mourra tragiquement quelques heures après avoir donné naissance à son premier enfant, Annette, épouse délaissée d’Alberto, vouera une loyauté sans faille au travail de son mari jusqu’à sa propre mort. De Nelly, compagne de Diego, frère d’Alberto avec qui il partageait logement et atelier à Paris, on ne connaîtra que le nom : rejetée par la mère d’Alberto, plus aucune trace ne subsiste d’elle, ni images, ni écrits.
Les accents chantants du romanche, quatrième langue nationale suisse parlée par un peu moins de 60'000 personnes, font à merveille écho aux replis vallonnés du canton le plus oriental du pays. Alberto avait eu l’honneur de voir son visage orner les billets de 100 francs suisses ; aujourd’hui, tous les membres de la famille reposent dans la même vallée. «Les Giacomettis» constitue un excellent prétexte, s’il en fallait un, pour redécouvrir les particularités d’un petit morceau de pays qui a inspiré de nombreux artistes.
3,5/5 ★
Au cinéma le 6 mars.
Plus d'informations sur «Les Giacomettis».
Bande-annonce de «Les Giacomettis»
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