Kritik19. Juni 2024

Critique de «Maria», la parole enfin retrouvée de Maria Schneider

Critique de «Maria», la parole enfin retrouvée de Maria Schneider
© Frenetic Films AG

Le scandale avait fait les choux gras de la presse, son nom à jamais associé au film «Le Dernier Tango à Paris». La postérité se souviendra d’une scène, des frasques et de la censure, laissant Maria Schneider en pâture. Aujourd’hui, la cinéaste Jessica Palud lui rend hommage dans un portrait, tragique, mais serti d’empathie.

Dans les années 70, Maria Schneider (Anamaria Vartolomei), fille non reconnue de la vedette Daniel Gélin (Yvan Attal), vit dans un foyer hostile avec sa mère. Alors que son père refait surface, elle côtoie le Paris mondain, et nourrit bientôt des envies de cinéma. Un jour, le réalisateur Bernardo Bertolucci (Giuseppe Maggio) lui propose de partager l’affiche avec Marlon Brando (Matt Dillon) pour un film qui va défrayer la chronique. Violée devant la caméra du cinéaste italien, Maria Schneider devient paria, châtiée pour une scène qu'elle répugne, qui n’était pas dans le script initial et pour laquelle elle n’a jamais donné son consentement. Alors n’ayant (presque) rien ni personne pour l’épauler, Maria sombre inlassablement.

Elle s’est éteinte en 2011, à 59 ans. Son histoire, c’est l’autrice Vanessa Schneider, sa cousine et ancienne journaliste à Libération, qui la déploie dans un ouvrage intitulé «Tu t'appelais Maria Schneider» (publié chez Grasset en 2018). Toute sa vie durant, elle n'a eu de cesse de s’exprimer au micro des journalistes sur l’agression sexuelle vécue sur le plateau du «Dernier Tango à Paris». «Je n’ai pas eu le choix» confie-t-elle un jour, victime impuissante de ce huis clos malicieusement orchestré par Brando (Matt Dillon à l’écran) et Bertoluci, pour aller capter, disait-il, une émotion sincère. La jeune femme de 19 ans ne s'en relèvera jamais, cantonnée à son rôle de «traînée», brisée, sacrifiée sur l’autel du septième art. Mais à quoi bon, l’époque n’en avait que faire.

Anamaria Vartolomei et Matt Dillon dans «Maria» © Frenetic Films AG

À la lumière de ce drame, et campée par une Anamaria Vartolomei d’un aplomb formidable, Jessica Palud redonne un visage et la parole à celle qui s’est envolée sans jamais avoir été entendue. Sobrement intitulé «Maria», le long métrage illustre l’enfer de ce tournage, l’addiction et les traumas qui s'ensuivent jusqu’à la rencontre rédemptrice avec cette étudiante qui écrit un mémoire sur la place des femmes dans le cinéma. «Le Dernier Tango à Paris» aura été «le linceul de ses rêves», comme l’écrit si joliment Vanessa Schneider dans son ouvrage. La voilà aujourd’hui réhabilitée dans une œuvre tragique, mais à la portée bouleversante.

4/5 ★

Au cinéma le 19 juin.

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