Kritik27. Juni 2023 Maria Engler
Critique de «I'm a Virgo» sur Prime Video, une série où l’étrange ne connaît pas de frontières
Voilà longtemps que l'on n'a pas vu une série aussi originale. Réalisée par Boots Riley, «I'm a Virgo» met en scène un ado de 4 mètres de haut à Oakland. L’occasion d’aborder des questions raciales et d’égratigner le capitalisme.
(Un article de Maria Engler, traduit de l’allemand)
Cootie (interprété par Jharrel Jerome, croisé notamment dans «Moonlight» ou «When «They See Us»), mesure près de quatre mètres. Élevé par sa tante Lafrancine (Carmen Ejogo) férue d’astrologie, et après une enfance sans aucun contact avec le monde extérieur, le jeune homme de 19 ans découvre enfin la vie sous toutes ses facettes : l'amour, l'amitié, la peur, la haine et l'injustice. Débarquée le 23 juin sur Amazon Prime Video, la création du rappeur et activiste Boots Riley (qui passait derrière la caméra pour la première fois en 2018 avec «Sorry to Bother You») est une œuvre à la saveur singulière, unique, original et qui fourmille d'idées. À la télévision, ces œuvres sont rares, alors voici cinq bonnes raisons de se plonger dans «I'm a Virgo».
1 - Cohérent dans sa propre vision
Là où d’autres productions se seraient lâchement reposées sur leur idée de départ, aussi saugrenue soit-elle, «I'm a Virgo», au contraire, en décante tout le potentiel. En effet, la série va encore plus loin que l’amusante et fantastique idée de placer un protagoniste de 4 mètres de haut au centre de l’intrigue.
Cootie n'est pas seulement grand. Il est aussi un adolescent maladroit biberonné à la télévision et fondu de comics. Si énorme, qu'il avait, jadis, fait s'écrouler la maison de ses parents. Ses vêtements sont faits sur-mesure, et il utilise les voitures en guise d’haltères. Oui, mais derrière sa démesure se cache un être sensible. Boots Riley, et son attention pour le détail, donne à cette vie gigantesque une authenticité particulière et les défis qu'il se lance, à lui-même et à son entourage, prennent sensiblement plus de poids. Alors qu’il s’apprête à sortir de son cocon, une question se pose : comment la société réagira-t-elle face à Cootie ?
2 - Un monde inattendu
Un géant cloîtré dans un monde miniature. Sous ses airs de conte, la fantaisie de la série ne s’arrête pas à la taille de son personnage. Le monde dans lequel évolue Cootie semble tout droit sorti de ces bandes dessinées qu’il chérit tant. Au travers des écrans de télévision qui scintillent et les brèves incartades des réseaux sociaux, les créateurs sèment des indices qu’il nous faudra récolter au fur et à mesure. Notons, par exemple, un super-héros volant (Walton Goggins, croisé récemment dans «The Righteous Gemstones») qui opère aux côtés des forces de l’ordre pour réprimer la population africaine-américaine du quartier. Ou encore, la jeune Flora (Olivia Washington, «The Butler»), dotée de quelques étranges pouvoirs, tandis que ses parents semblent travailler sur un complot impliquant des armes à feu futuristes.
3 - Un conte ancré dans le réel
Aussi éloignées puissent-elles paraître, les réalités d’«I'm a Virgo» et celles d’Oakland ont pourtant bien des points communs. L’inventivité de la création de Boots Riley ne fait d’ailleurs que mettre en lumière les problématiques que ces deux mondes partagent. Lorsqu’un super-héros combat bras dessus, bras dessous avec les autorités, les événements s’interprètent à leur avantage, l’image de l'ennemi est violemment erronée et ce sont les minorités qui trinquent. Rappeur et activiste, Boots Riley est un virtuose, nous le savions. «I'm a Virgo» parle avec ingéniosité, et véracité, des luttes des personnes de couleurs aux États-Unis, de la pauvreté, de l'injustice et propose en outre une satire du capitalisme aussi étonnante que cinglante. La chose est pour le moins surprenante dans le cadre d'une production signée Amazon Prime.
4. Une merveille visuelle
Visuellement, «I'm a Virgo» convainc de bout en bout. Les effets sont irréprochables, les scènes stupéfiantes. Elles auront parfois cette agréable sensation d’étrange, surtout lorsque Cootie interagit avec des personnes de taille normale ou lorsqu'il se trouve à l'intérieur où l'étroitesse est insupportable. L’illusion de ce géant fonctionne à merveille. «I'm a Virgo» ne cesse de produire des moments de ravissement visuel. Les nombreux décors, meubles et autres bibelots, construits par le réalisateur lui-même, sont particulièrement réussis et maintiennent une forme d’artisanat dans une mise en scène qui ne s’épuise jamais.
5 - La jungle médiatique
Si l’authenticité d’«I'm a Virgo» étonne, c’est aussi dans sa capacité à dépeindre les médias qui peuplent le monde du protagoniste. Notons les publicités pour hamburgers étrangement sexualisées, des chambres d'hôpital pavées d'affiches, de slogans, des myriades de vidéos sur Internet et ces émissions matinales qui pullulent.
Une jungle médiatique qui semble tout droit sortie de chez nous, et il faudra aussi relever la série «Parking Ticket», que visionnent régulièrement les personnages et dont les produits dérivés apparaissent à peu près partout. Ces dessins animés proposent des personnages extrêmement singuliers, ainsi que des commentaires pointus sur la société et des débordements philosophiques qui, à leur tour, résonnent dans l'intrigue d’«I'm a Virgo».
Les 7 épisodes de «I'm a Virgo» sont à découvrir sur Amazon Prime Video depuis le 21 juin.
Bande-annonce de «I'm a Virgo»
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