Artikel5. März 2024 Cineman Redaktion
Le droit à l’avortement au cinéma en 7 films à (re)découvrir
Alors qu'en France, le droit à l'avortement vient de s'inscrire dans la constitution du pays, voici 7 films à voir ou à revoir sur les femmes et leur combat encore et toujours d’actualité.
(Un article d'Emma Raposo complété par Maxime Maynard et Théo Metais)
7 - «Une affaire de femmes» (1988)
En 1988, Claude Chabrol portait sur grand écran le livre de Francis Szpiner, «Une affaire de femmes», inspiré de la véritable histoire de Marie-Louise Giraud, guillotinée pour avoir pratiqué plusieurs avortements dans les années 40. Dans la fiction, cette dernière se prénomme Marie Latour et est incarnée par Isabelle Huppert. Maman de deux bambins sous le régime de Vichy, femme au foyer dont le mari est parti au front, mais dont elle s’en accommode très bien, Marie rêve de gloire, de devenir chanteuse, et de gagner son indépendance.
Après avoir aidé une voisine à avorter avec succès, Marie devient faiseuse d’anges. Cette activité lui rapporte vite de quoi vivre confortablement. Dans la foulée, elle devient amie avec une prostituée, lui loue une chambre pour les activités lubriques de cette dernière et prend un amant. Tout cela conduira Marie à sa perte lorsque son mari, excédé par le comportement de sa femme, la dénoncera à la police. Emprisonnée, Marie sera exécutée pour avoir pratiqué plus de 20 avortements.
Dans «Une affaire de femmes», Claude Chabrol met en lumière la femme sous tous ses angles. À la fois mères, amies, amantes, les femmes doivent être sur tous les fronts, seule avec le poids des responsabilités à la fin de la journée. Et quitte à souffrir, voire mourir, là n’est pas le plus important, pourvu que leurs corps soient de nouveau à elles.
Et le métrage d’exposer même certains tabous : avoir des enfants, mais ne pas les aimer, se sentir dépossédée de son propre corps qui est au service de tous. Porté par un casting composé notamment d’Isabelle Huppert, François Cluzet ou encore Marie Trintignant, « Une affaire de femmes » ne dépeint pas seulement l’histoire d’une femme, mais de toutes les femmes, leur soif d’indépendance et leur volonté d’émancipation.
6 - «4 mois, 3 semaines, 2 jours» (2007)
En Roumanie, juste avant que le régime communiste ne soit renversé, Ottila et Gabita sont deux étudiantes et colocataires dans une résidence universitaire. Gabita est enceinte et veut avorter, Ottila va l’aider dans son entreprise. Les deux jeunes femmes font appel à un homme, un faiseur d’anges qui, pour réaliser la procédure et en guise de paiement, demande aux jeunes femmes de coucher avec lui. En désespoir de cause, les deux amies s’exécutent. Après cet évènement, plus rien ne sera comme avant.
Réalisé par Cristian Mungiu, «4 mois, 3 semaines, 2 jours», Palme d’or au 60ème Festival de Cannes, plante son récit dans la Roumanie de Nicolae Ceaușescu, où les citoyens n’ont que très peu de liberté et où l’avortement y est interdit.
L'ambiance pesante du film et ses longueurs traduisent l’oppression subie par les habitants dans cet État totalitaire et les violences endurées par les femmes qui, même pour pouvoir avorter, doivent se déposséder de leur corps. Dans ce long métrage perturbant, voire malaisant par moments, Cristian Mungiu souligne la bataille des femmes, leur volonté inébranlable de conserver leur libre arbitre malgré les risques physiques et répressifs encourus. Et dans l’adversité, le réalisateur roumain fait surgir le thème de la sororité, ou quand une femme sacrifie tout son être pour une amie.
5 - « Que sea ley (Que ce soit loi)» (2019)
Ce sont des femmes de toutes générations et de toutes couches sociales qui arborent le foulard vert, signe de ralliement à une cause : le combat pour la dépénalisation de l’intervention volontaire de grossesse. En 2018, en Argentine, alors que l’IVG est encore illégale, un projet de loi visant à légaliser l’avortement est vivement débattu dans les rangs du Sénat durant 8 semaines.
Le débat gagne la rue où des milliers de combattantes pour la liberté de choix descendent afin que ce droit élémentaire de disposer de son propre corps soit reconnu. Face aux militantes en faveur du droit à l’avortement, les « pro-vie », se portant comme les bienfaiteurs et garants de la vie, fondent leurs arguments sur l’hypocrisie et les contradictions de tout un système où le pouvoir ecclésiastique est prépondérant.
Sélectionné hors compétition à Cannes en 2019, «Que sea Ley» propose une immersion dans le combat des foulards verts. Son réalisateur Juan Solanas porte un coup de projecteur sur les questions fondamentales posées dans ce débat brûlant et scindant la société argentine, tout comme d’autres pays dans le monde.
Grâce à ce film documentaire, Solanas témoigne des aberrations de la politique argentine et du chemin qu’il reste à parcourir avant que les femmes ne puissent faire valoir leur libre arbitre et disposer enfin de ce qui leur appartient.
4 - «Never rarely sometimes always» (2020)
Dans une bourgade désolée de Pennsylvanie, Autumn (Sidney Flanigan) vit dans une ambiance familiale hostile. Une vie sentimentale troublée, l’adolescente n’a pas grand monde vers qui se tourner. Alors, lorsqu’elle pense être tombée enceinte, c’est seule qu’elle se rend au planning familial du coin. Sur place, le discours « pro-vie » qu’on lui sert ne laisse à la jeune fille que peu d’alternatives. Avec sa cousine Skylar (Talia Ryder), la jeune fille file à l’anglaise, direction New York où elle peut subir une intervention de grossesse sans qu’un accord parental ne soit exigé.
Présenté au Festival de Sundance en 2020, et lauréat du Grand prix du jury à la Berlinale la même année, «Never Rarely Sometimes Always» est une plongée abrupte dans l’Amérique populaire réfractaire au libre arbitre des femmes. La réalisatrice et scénariste Eliza Hittman nous donne rendez-vous dans l’Amérique profonde où la jeunesse se heurte au harcèlement et aux abus.
Et si le sujet central du film est bien l’avortement et la question du libre choix, la solidarité entre femmes est également un propos récurrent dans le récit. À travers le regard des deux protagonistes tout juste sorties de l’enfance, le film se débarrasse du superflu et dessine pudiquement les contours d’une belle amitié dépossédée de tout jugement, un formidable exemple de courage et de soutien dans un monde bourré d’aberrations.
3 - «L'Événement» (2021)
Ambitieuse et brillante étudiante en lettres, Anne (Anamaria Vartolomei) voit ses projets stoppés net lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte. Elle refuse de poursuivre cette grossesse qui mettrait en péril tous ses plans de carrière, elle désire avorter. Alors que la loi sur la dépénalisation de l’avortement n’est pas encore entrée en vigueur, et que personne ne lui apporte l’aide dont elle a tant besoin, la jeune femme est contrainte de se tourner vers la clandestinité. Un parcours chaotique et douloureux pour avorter. Une mise en danger de sa vie pour retrouver sa liberté, pour faire valoir son libre arbitre, et disposer de son corps comme elle l’entend.
La réalisatrice française Audrey Diwan adapte le roman éponyme autobiographique d’Annie Ernaux sorti en 2000. «L’évènement» est une plongée immersive dans le parcours d’Anne, jeune étudiante revendiquant sa liberté de choix. Filmé dans un format carré qui permet une proximité parfois perturbante avec les personnages, le long métrage ne traite pas seulement de l’avortement en tant que tel, mais traite aussi de la sexualité et du désir féminins dans une période où la femme n’est pensée qu’à travers sa fonction de procréation.
Kacey Mottet-Klein, Luàna Bajrami, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis et Pio Marmaï partagent l’affiche de ce film à la fois bouleversant, dérangeant aussi, extrême et douloureux dans ce qu’il raconte et radical dans sa mise en scène. Avec sensibilité et brutalité, Audrey Diwan dépeint la triste et pathétique réalité des femmes dans les années 60, forcées de mettre en péril leur vie pour conserver leur libre arbitre.
Plus dérangeant et effarant encore est de constater que 50 après, en 2022, les femmes et leurs corps restent non pas l’affaire de choix individuels, mais de décisions politiques liberticides.
2 - «Call Jane» (2022)
En 2022, plusieurs états des États-Unis ont déclaré l’annulation de l’arrêt «Roe v. Wade» légalisant l’IVG. Pour soutenir ce droit, le cinéma contre-attaquait alors. Scénariste acclamée de «Carol», pour lequel elle est nommée aux Oscars 2016 dans la catégorie meilleur scénario adapté, Phyllis Nagy enfile, pour «Call Jane», la veste de réalisatrice pour un long-métrage engagé.
«Call Jane», c’est l’histoire de Joy, femme au foyer modèle dans l’Amérique des années 60, interprétée par Elizabeth Banks. Alors que les médecins refusent de l’aider à avorter une grossesse qui pourrait lui être fatale, elle se tourne vers une association clandestine qui se bat pour offrir aux femmes le contrôle sur leur propre corps. Petit à petit, Joy s'investit de plus en plus dans la cause, chamboulant sa routine.
Si le long-métrage est de fiction, il s’inspire du véritable «Jane Collective», une organisation bien réelle et active à Chicago à la fin des années 60, qui a aidé de nombreuses femmes à avorter à une époque où ce droit baignait dans l’illégalité. En suivant le parcours de Joy, nous découvrons une collection de personnages aux origines et aux motivations variées. Des figures diverses et variées qui transforment le long métrage en plaidoyer d’un droit menacé et offre à voir les réalités d’un combat social toujours d’actualité. L’histoire d’un mouvement à connaître.
1 - «Annie Colère»
«Annie Colère», un film romanesque aux élans documentaires qui retrace sur grand écran le combat passionnant, et pourtant méconnu, du «MLAC», ce mouvement qui s’est battu pour faire avancer la loi sur l’IVG en France dans les années 70.
Nous y suivons le parcours d’Annie, une femme, mère et ouvrière - une éblouissante Laure Calamy - qui ne peut se permettre d’accueillir une nouvelle naissance. Alors, elle se tourne vers cette association qui pratique, loin des regards, l’avortement par aspiration (méthode de Karman).
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