Kritik7. November 2019 Emma Raposo
«J’accuse» - L’affaire Dreyfus sous la loupe de Polanski
Avant même de faire sa grande entrée à la Mostra de Venise en août dernier, «J’accuse» créait déjà la polémique. La raison? La sélection en compétition de son réalisateur Roman Polanski. Si personne n’ignore plus les poursuites judiciaires dont le cinéaste fait l’objet depuis de nombreuses années, ce dernier n’a pas hésité à faire un curieux parallèle entre le récit de son nouveau film et son propre vécu, la persécution au centre des 2 histoires.
Dans les années 1890, devant un parterre de militaires, Alfred Dreyfus (Louis Garrel) est déclaré coupable de trahison. Destitué de son grade, l’homme est condamné au bagne à perpétuité sur l’île du Diable. Dans l’assistance, un certain colonel Picquart (Jean Dujardin). Après avoir joué un rôle dans la condamnation de Dreyfus, le colonel se voit nommé chef du service de renseignement militaire. À peine entré en fonction, Picquart tombe sur une preuve permettant de blanchir Dreyfus. Très vite, il comprend que toute cette affaire n’est qu’une vaste supercherie reposant sur des preuves fabriquées de toutes pièces. Commence alors le parcours du combattant pour Picquart qui risque sa carrière et sa vie afin de rétablir la vérité.
La plus grande bavure judiciaire de l’Histoire de France percée à jour dans la lettre ouverte d’Emile Zola intitulée "J’accuse… ! », parue dans le journal L’Aurore en 1898. Si l’on ne connaît pas bien l’histoire, tout un chacun en a une vague idée. Sur fond d’antisémitisme, entre machination et manipulation, nous revivons l’affaire Dreyfus à travers le regard d’un homme, le colonel Picquart. Et pour revisiter l’histoire, Roman Polanski s’est basé sur «D.», le livre de Robert Harris, également coscénariste du film. Dès les premières minutes, le cinéaste en met plein la vue grâce à une scène d’ouverture impressionnante, amorce de deux heures de film réalisées avec soin. Loin de n’être qu’un récit historique et malgré le fait que l’issue du scandale ne soit un secret pour personne, «J’accuse» est de ces thrillers dramatiques qui offrent un suspens latent parfaitement dosé, tenant en haleine du début à la fin.
«Polanski expose son savoir-faire pour une immersion dans la fin du 19ème siècle très convaincante...»
Le casting cossu, parmi lequel l’Académie Française se taille une belle part du gâteau, finit de nous convaincre. D’un Jean Dujardin inébranlable et droit dans ses convictions, à un Louis Garrel au regard défait, subissant l’injustice dignement, les performances sont à l’image du film: justes, sans trop en faire. Polanski expose son savoir-faire pour une immersion dans la fin du 19ème siècle très convaincante. Les décors, aussi austères que l’atmosphère régnant dans le film, la photographie ou encore la bande-son, autant d’éléments savamment orchestrés pour raconter la persécution aberrante d’un homme et le combat d’un autre pour la justice.
En bref!
Malgré la polémique, il a raflé le prix du Jury à la Mostra de Venise cet été. «J’accuse» est la signature d’un Roman Polanski au mieux de sa forme. Thriller historique captivant maîtrisé de bout en bout, le film nous remémore une affaire qui, en son temps, avait défrayé la chronique. Un pan de l’Histoire française revisité magnifiquement à travers la caméra du très controversé réalisateur franco-polonais. Une belle réussite!
4/5 ★
Plus d'informations sur «J’accuse». Le 13 novembre prochain au cinéma.
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