Kritik6. Oktober 2019 Theo Metais
«Joker» - Et le phoenix renaît de ses cendres
Rares sont les films qui pouvaient prétendre à un tel engouement avant même leur sortie. Depuis son Lion D’or au festival de Venise, la déferlante «Joker» est foudroyante. Alors, vaste fumisterie ou film prodige? Une fois n’est pas coutume, mais la toile avait raison, «Joker» relève du sublime.
A Gotham, dans les années 80, Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) déambule dans les rues déguisé en clown, une pancarte à la main. Murray Franklin (Robert De Niro) divertit les chaumières du haut de son show télévisé et Thomas Wayne (Brett Cullen) embraye pour les élections. Chez les cols blancs l’affaire est huilée, Fleck enquille la vie avec son flegme habituel, et il accompagne sa mère devant le poste, chaque soir, pour regarder Murray Franklin. Le clown aspirant comédien a un rêve, la célébrité. Il s’essaye à la scène, mais sa condition clinique fait de lui un fou, un freak, une ombre risible. Au détour d’un après-midi, des gamins le passent à tabac, dès lors la colère mijote, et bientôt, Fleck devient inarrêtable. Le Joker est né.
Si tout le monde garde en mémoire la performance du regretté Heath Ledger (seule véritable perle du «The Dark Knight» qui vieillit extrêmement mal), ou celle de Jack Nicholson (ou même Jared Leto), nous serions tentés de dire que Joaquin Phoenix surclasse littéralement tous les Joker, mais l’histoire semble tellement décrochée du wagon DC que toute comparaison paraît nulle et non avenue. Réalisé par Todd Phillips, et produit par Bradley Cooper, «Joker» est une enclave à Gotham en solitaire, sans la perspective d’y développer une once de franchise. Le métrage traverse les mailles Warner/DC avec insolence et une suffisance jouissive. Sorte de rejeton du système en marge des univers (sur)étendus pour sonder les arcanes de la psychologie du Joker, le duo Phillips/Phoenix appartient désormais à l’histoire.
«La raclure du Bronx fracasse d’une poésie noire...»
Au panthéon du sublime, la performance de Joaquin Phoenix côtoie une palette graphique d’un vert bronze aux reflets néo-noir, une mise en scène d’une exigence folle, entachée d’une crasse miséreuse de tous les plans, la caméra virevoltante de Todd Phillips et les violons majestueux de la compositrice Hildur Guðnadóttir. Une première heure à vous faire trembler, loin des DC, l’histoire du Joker devient presque accessoire. Joaquin Phoenix vogue avec maestria, la profondeur de son regard, la torsion du corps des aranéides, comme un insecte en proie à la morgue… La raclure du Bronx fracasse d’une poésie noire, et sa mère aussi, on se croirait dans «Requiem For A Dream». Insupportable, la genèse du Joker dans les intestins du lombric de fer de Gotham offre une ouverture au drame d’une puissance asphyxiante. Immédiatement, le souvenir de «Taxi Driver» et Todd Phillips colmate les lacunes de ses pères. «Joker» est d’une modernité stupéfiante.
Aussi Todd Phillips manie l’art du grand divertissement populaire dans les entrailles d’une ordure. Subtile et complexe dans sa narration, les Américains s’en affolent d’ailleurs, mais sans dénigrer la violence assumée de certaines scènes du «Joker», il en est une autre, sociale, sous-jacente, invisible et laissée en jachère; comme si Ken Loach avait signé avec la Warner et DC. Todd Phillips envoie à l’abattoir pléthore d'injustices sociales et offre à la justice une vengeance masquée façon «V pour Vendetta». Alors même si Todd Phillips emprunte (parfois) quelques raccourcis accessoires dans son histoire, «Joker» tranche la morale.
En bref!
Il est de ces films que rien ne semble arrêter, «Joker» sera de cette trempe. Une violence aux 1001 facettes. Délicieux et abject, Todd Phillips livre un sombre «Joker» dans la basse-pègre de Gotham. Une masterclass d’acting signée Joaquin Phoenix pour un cinéma de très (très) haute voltige.
4,5/5 ★
Plus d'informations sur «Joker». Au cinéma le 9 octobre.
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