Kritik21. Juni 2021

«Katla» sur Netflix : Dans les entrailles glacières règnent le chagrin

«Katla» sur Netflix : Dans les entrailles glacières règnent le chagrin
© Lilja Jonsdottir/Netflix

«Katla» dévoile une immersion poignante et fantastique en Islande sous la direction du cinéaste et créateur Baltasar Kormákur. Une étonnante surprise qui en appelle aux troublants registres noirs et nordiques.

Une disparition mystérieuse au milieu de paysages ahurissants de beauté. À Vik en Islande, l’éruption du volcan sous-glaciaire Katla ébranle la communauté depuis maintenant un an et Grima (Guorun Yr Eyfjöro) cherche sa sœur disparue. Aujourd’hui, il ne reste qu’une grappe de personnes au milieu d’une région chaotique. Un jour, une étrange apparition vient semer la zizanie, une manifestation fantomatique tout droit sortie des entrailles glaciaires et volcaniques.

L’Islande est le parfait paysage pour s’immerger dans une nature froide, rugueuse, mais si poétique. À Vik, les mystères du monde semblent se cacher sous cette terre en mouvement et ces glaces renfermant des secrets préhistoriques. Les habitants ont déserté les environs apocalyptiques, recouverts de cendres noires comme ces quelques âmes qui habitent le coin. La glace délavée, les visages livides et entamés par le froid, voilà un an que l’éruption du volcan Katla entraîne tristesse et mélancolie. Ses personnages qui la peuplent sont des êtres rompus au deuil.

«Une série terriblement sensible et tendre à propos du deuil...»– Sven Papaux

Très rapidement la série dépoussière les blessures passées: Guorun Yr Eyfjöro, connue sous le nom de GDRN, chanteuse populaire dans ce grand vivier musical islandais, campe Grìma, qui peine à digérer la disparition de sa sœur, Àsa (Iris Tanja Flygenring). L’artiste est intéressante en tant qu’actrice, son rôle fonctionne comme piston pour la compréhension de l’histoire. Il y a aussi Darri (Björn Thors), endeuillé par la mort de son rejeton; et Thor (Ingvar Sigurdsson), père de Grìma, qui dissimule un secret. Son destin croise celui de Gunhild (Aliette Opheim), une Suédoise revenant sur les traces de son passé islandais tortueux. Tous sont reliés par le regret et le deuil. Vik prend des airs de cimetière des âmes, d’un paradis antérieur recouvert désormais par les cendres. Baltasar Kormákur (réalisateur de «Contrebande» en 2012 ou encore «À la dérive» en 2018) sculpte dans les glaces éternelles, des plaies personnelles. Le magma en fusion réveille le chaos et donne une forme physique aux différents deuils.

«Katla» sur Netflix : Dans les entrailles glacières règnent le chagrin
© Lilja Jonsdottir/Netflix

Si le mystère demeure, si nous nous demandons par quel phénomène naturel ces «revenants» détalent couverts de cendres et d’argile, il devient clair que tout ça n’est que très secondaire. Enveloppée par la musique subtile de Högni Egilsson, la nature dans toute sa grandeur ramène ces individus à une profonde réflexion. «Katla» n’est pas spectaculaire, mais elle radiographie de manière originale la délicatesse du deuil et l’affranchissement du passé. Ces «changelins» comme sont nommés ces «revenants», sont une seconde chance, une manière de mettre des mots sur la douleur. La souffrance terrée dans les lugubres travées glacières prend des airs de paradis des maux et l’écume froide ravale haine et amertume. Baltasar Kormákur et son acolyte le scénariste Sigurjón Kjartansson ont réussi une série terriblement sensible et tendre à propos du deuil, tout en retenue et en originalité, pour enfin faire sauter les verrous de la vérité pour un dernier adieu.

4,5/5 ★

«Katla» est à découvrir dès maintenant sur Netflix.

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