Artikel19. August 2024 Cineman Redaktion
La véritable histoire de Brandon Lee, acteur originel de «The Crow»
Alors que Bill Skarsgård est prêt à reprendre le rôle d'Eric Draven dans la nouvelle adaptation de «The Crow», retour sur la vie d'une légende disparue trop tôt: Brandon Lee.
(Un article de Kilian Junker)
Il y a 30 ans, le jeune rockeur Eric Draven (Brandon Lee) revenait d’entre les morts pour venger sa compagne Shelly, sauvagement assassinée. Adapté du comics éponyme par Alex Proyas, «The Crow» - littéralement le corbeau – laisse planer dans son sillage une mystérieuse aura de film maudit. Car si la virtuosité de la mise en scène sortait déjà le long-métrage du lot, la mort tragique de son acteur principal Brandon Lee en cours de tournage l’a inscrit à l’encre indélébile au panthéon des films désormais cultes. Le remake de «The Crow» avec Bill Skarsgård déboulant en salles pour la 21 août relance le débat quant à l’acuité morale d’un tel projet…
La naissance d’une légende
Premier février 1965, voilà la date de naissance de Brandon Lee, fils du pape des arts martiaux Bruce Lee et de Linda Lee Cadwell, une enseignante américaine. Propulsé dans le tourbillon de la carrière de son père, il va le suivre jusqu’à Hong Kong où Bruce Lee tourne son dernier film en 1973 avant une mort soudaine à 32 ans. Orphelin d’un père superstar, Brandon retourne vivre à Los Angeles où il baigne dans le milieu du cinéma et du théâtre, deux disciplines dans lesquelles il se forme. Un destin tout tracé, brutalement brisé en pleine ascension…
Le soir de la tragédie
La gueule de cinéma Michael Massee tire sur Brandon Lee. La scène a été répétée, la chorégraphie se passe comme prévu, pourtant Lee ne se relèvera jamais de cette ultime scène. L’arme qui aurait dû être chargée à blanc a craché une balle réelle, probablement coincée dans le canon du révolver. Il décèdera le soir même de l’hémorragie causée par cette blessure, à l’âge de 28 ans, laissant derrière lui une carrière brutalement mise en suspens et une vague de chagrin qui secoue Hollywood durablement.
De la tragédie au film culte
Si la réussite formelle de «The Crow» ainsi que la performance évidemment poignante de Brandon Lee participent à l’aura de film culte du long-métrage, il va de soi que la destinée funeste du projet y a également grandement participé. Grâce à de nombreux effets spéciaux et à l’utilisation de doublures, dont Chad Stahelski qui est ensuite devenu le réalisateur des fameux «John Wick», le film a pu être monté non sans de nombreuses contraintes autant techniques que financières. Finalisé en hommage posthume à l’acteur, il est évident que «The Crow» est inextricablement lié à Brandon Lee, rendant de facto toute tentative de remake délicate.
Une suite à «The Crow»
Si l’interrogation quant à l’utilité de la création d’un remake est bien légitime, il ne faut pas oublier que l’univers de «The Crow» porté à l’écran peut déjà s’enorgueillir de trois suites. Bien qu’elles n’arrivent pas à la cheville de l’œuvre originale et fleurent déjà bon la gloutonnerie financière apte à surfer sur les succès publics, elles tranchent déjà à l’époque la question de la faisabilité d’un projet inscrit dans le lore de «The Crow». À la truelle, elles greffent des métastases d’histoires sur le projet initial, n’hésitant pas à totalement bousculer la mythologie originelle. Reste qu’une suite n’a pas la même symbolique qu’un remake, qui souhaite de fait réécrire l’histoire et ainsi allégoriquement effacer l’œuvre précédente. Mais est-ce réellement le cas?
Remake or not remake ?
La question apparait régulièrement dans le cercle cinéphile, presque autant que celle concernant les suites... Du «Suspiria» de Guadagnino au «Candyman» de Nia DaCosta, l’interrogation est toujours la même: l’impulsion vient-elle de velléités de producteurs avides d’argent facile ou d’une volonté réelle de revisiter une œuvre culte par le biais d’un nouvel œil? Malheureusement, ou pas, la première question n’exclut pas forcément la seconde, et il arrive parfois de voir fleurir des œuvres qui détonnent, offrant au spectateur un prisme de lecture totalement nouveau sur une histoire que l’on pensait pourtant connaître. Et tout cela, évidemment, sans éclipser l’aura de la création originelle…
Pas un simple film
Pour le principal intéressé, soit le réalisateur du tout premier «The Crow» Alex Proyas, interrogé dans un podcast, l’idée du remake est totalement farfelue. Il décrit son long-métrage non pas comme «un simple film qui peut être remis en scène, mais comme l’héritage même de Brandon Lee». Et implore donc les acteurs du projet de remake de le traiter avec ce niveau de respect et d’abandonner par conséquent l’idée même de réaliser un nouveau film. Un avis partagé par le dessinateur de la BD originale, James O'Barr: «Je pense que la réalité est que, peu importe qui joue dans le film […] ou que vous dépensiez 200 millions de dollars, vous n'arriverez toujours pas à faire mieux que ce que Brandon Lee et Alex Proyas ont fait dans ce premier film à dix millions de dollars». Du moins c’est ce qu’il affirmait en 2013, lorsque les premières ébauches du projet prenaient vie…
Le revers du créateur
En effet, si O’Barr était sceptique, voire hostile, à cette idée de remake, les multiples revers de production ont fini par l’incorporer en tant que consultant créatif. Son discours a dès lors changé du tout au tout. Lui qui dénonçait la volonté de faire un remake du premier volet de «The Crow» assure désormais que le projet est de faire une tout autre adaptation de la bande dessinée, à l’image des relectures de l’œuvre «Dracula», bien différentes entre Bela Lugosi et Francis Ford Coppola, par exemple. Le même matériau, mais deux films diamétralement opposés. Reste que, depuis ces déclarations, de l’eau a coulé sous les ponts, et le projet a continué de passer de réalisateur en réalisateur (et le rôle-titre, d’acteur en acteur)…
Et les fans dans tout ça?
S’il est généralement une impasse de se fier à l’avis des fans lors de la conception d’un projet artistique (on pense notamment à la saison 3 de «Twin Peaks», déjouant une à une toutes les attentes des afficionados de la série de David Lynch), leurs réactions sont particulièrement véhémentes face aux premiers visuels montrant Bill Skarsgard dans le rôle d’Eric Draven. Suicide économique ou stratégie marketing bien rodée? Seul l’avenir nous le dira…
La sécurité sur les plateaux
Cependant, s’il y a bien un héritage qu’aurait dû léguer «The Crow» à Hollywood, c’est la sécurité vis-à-vis des armes à feu sur le plateau. Malheureusement, «Rust», un western de Joel Souza, voit l’histoire se répéter. Cette fois-ci, c’est l’acteur Alec Baldwin qui tue la directrice de la photographie Halyna Hutchins et blesse le réalisateur pour un problème similaire de balle réelle à la place de balles à blanc. Une triste redondance du sort qui questionne une fois de plus sur l’utilisation d’armes réelles au cinéma.
Pour conclure
Finalement, seul le résultat final et l’intention découlant des plans de ce «The Crow» version 2024 trancheront de l’utilité d’un tel remake, monté malgré les nombreux questionnements éthiques entourant sa sortie. Gageons que la mémoire de Brandon Lee y soit célébrée et que le long-métrage donne l’impulsion à une frange de la nouvelle génération de se pencher sur l’œuvre originelle, unique en son genre.
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