Artikel18. März 2021 Sven Papaux
Les cinéastes incontournables de la nouvelle génération suisse
Godard disait du cinéma suisse qu’il n’avait pas d’histoire. Et si l’évocation d’un cinéma helvétique «frileux» arrive souvent sur les lèvres des journalistes et autres oracles du secteur, ils semblent oublier que ces dernières années une nouvelle génération émerge, bourrée d'idées et de talent. Alors voici une sélection de ces cinéastes qui réveillent le cinéma helvétique.
Les Alain Tanner, Claude Goretta ou Michel Soutter rappellent que la Suisse a aussi son propre langage et ses petites pépites, n’en déplaise à Jean-Luc Godard et son mépris du cinéma suisse. Aujourd’hui, Jean-Stéphane Bron, Petra Volpe, Marcus Imhoff, Ursula Meier, le duo Stéphanie Chuat et Véronique Reymond ou plus récemment Pierre Monnard parviennent à se faire, à grands coups d'excellence, une place au soleil. Alors la suite, la nouvelle génération, où est-elle? En voici un petit avant-goût, une liste, évidemment subjective, des cinéastes capables de faire briller notre pays dans les festivals et les salles obscures suisses et internationales, nous prouvant que le talent est bien présent chez nous.
Laura Kaehr
Elle a vu le jour en 1978, à Locarno dans ce beau Tessin ensoleillé et chaleureux. Elle, c’est Laura Kaehr. Diplômée du centre International de danse Rosella Hightower à Cannes. Elle a tout d’abord travaillé en tant que danseuse et actrice, avant de peaufiner un master en trandisciplinarité artistique et réalisation à la Zürcher Hochschule der Künste.
Décidée à ne pas s’arrêter en si bon chemin, elle fonde Cat People Films en 2014. Et en 2017, Kaehr prend son balluchon et s’en va sous les cocotiers californiens. Des vacances? Loin de là puisqu’elle y suivra des cours à l’université de Californie, à Los Angeles (UCLA), pour étudier l’écriture (Advanced Screenwriting). Une nouvelle corde à son arc et des projets qui fleurissent. Elle travaillera sur un court métrage détonnant: «New World», une romance dansante et SF. Une première oeuvre remarquée dans sa carrière.
Laura Kaehr nous concocte pour 2021 un documentaire sur Giulia Tonnelli, danseuse étoile à l’Opéra de Zürich. Un documentaire à propos du retour d’un congé maternité, où Giulia Tonnelle doit se battre pour retrouver sa place et un équilibre entre le milieu compétitif et exigeant de la danse et surtout sa nouvelle vie de famille. Ce constat si souvent évoqué: les difficultés rencontrées pour une femme après la case maternité pour concilier son rôle de mère et de femme indépendante. Ce documentaire intitulé «Becoming Giulia» nous immergera entre 2019 et 2021 dans le microcosme d’un grand opéra. Une quête profonde et intime à travers la lentille d’une chorégraphe et ancienne danseuse aguerrie.
Samuel Grandchamp
Samuel Grandchamp, en voilà un à suivre attentivement. Le Genevois de 31 ans s’est distingué avec un court métrage («Le barrage») qui a fait beaucoup parler à Locarno, couronné d’un Léopard d’or du meilleur court métrage. Après être sorti diplômé en macroéconomie de la HEC de Lausanne, Samuel Grandchamp a quitté la Suisse pour New York, où il a suivi des cours à la Tisch School of the Arts de l’université de New York et obtenant la bourse Martin Scorsese Young Filmmakers.
L’homme a du talent, une vraie patte. Désormais installé à New York, il vient de réaliser un court métrage produit par Point Prod, en collaboration avec Kodak et Film Factory, puis un documentaire pour la RTS. Mais le plus intéressant nous vient de la mise en boîte de son premier long-métrage inspiré de son court métrage multi-récompensé et une série documentaire sur le tennis professionnel avec pour figure de proue Gaël Monfils.
Kim Allamand
Il est encore méconnu, mais les observateurs le suivent attentivement. Des qualités évidentes pour ce cinéaste âgé de 33 ans; sorti diplômé de la Zürcher Hochschule der Künste avec son court métrage intitulé «Kinder der Nacht» et récompensé au Kurzfilmtage de Winterthur, son second court métrage, intitulé «Terminal», lui a valu le prix de «meilleur espoir suisse» au festival de Locarno 2019. Actuellement, le Zurichois peaufine encore ses compétences et a dernièrement pris part au film de Dominik Locher, «Goliath» (2017).
Anna Spacio
La Tessinoise de 26 ans avait déjà fait parler d’elle au Festival International de Fribourg (FIFF) grâce à l’un de ses courts: «Come un'eco». Distinguée, mais pas rassasiée, Anna Spacio, pur produit du Conservatoire International de Sciences audiovisuelles de Locarno (CISA) prépare son premier long métrage. Nommé «Stars», l’histoire nous évoque une romance tortueuse entre 2 jeunes: Demian, un talentueux aspirant chanteur, et Lavinia, elle-même chanteuse et tout aussi talentueuse. Le film est prévu pour mars 2022.
Lisa Brühlmann
La carrière de Lisa Brühlmann a pris une sacrée tournure depuis peu de temps. En rembobinant, la Zurichoise de 40 ans nous avait réalisé un film de très bonne facture, d’une maîtrise affolante: «Blue My Mind» (2017), Golden Eye au Zürich Film Festival et offrant un rôle d’envergure à Luna Wedler - le premier d’une longue liste. Brühlmann, après des premiers pas en tant qu’actrice, s’est décidée à passer derrière la caméra. Bien lui en a pris, puisque son agenda ne désemplit pas. Résultat: 2 épisodes tournés pour la série «Killing Eve», un épisode pour «Castle Rock» et 2 épisodes pour «Servant». Rien que ça. Et pour ne rien omettre, elle s’est même payée le luxe d’être nominée aux Emmy Awards pour le prix de meilleure réalisatrice dans une série dramatique - pour l’épisode «Desperate Times», le 4ème de la saison 2, dans «Killing Eve».
Signe d’une popularité naissante, la réalisatrice va même avoir l’honneur de tourner les 4 épisodes - la série dans son entièreté - de «The Girl Before», nouveau bébé sériel de BBC One et rattaché à HBO Max pour la diffusion aux États-Unis. Brühlmann dirigera les excellents David Oyelowo («Interstellar», «Selma») et Gugu Mbatha-Raw («Morning Show», «Brooklyn Affairs»). Lisa Brühlmann, notre prochaine Marc Forster?
Hannes Baumgartner
Le cinéaste de 38 ans et originaire de Männedorf s’est fait l’auteur d’un sacré film, sec, frontal avec «Der Läufer» (2018). Offrant un rôle tout en intériorité à Max Hubacher, Hannes Baumgartner, après quelques courts remarqués dans différents festivals, s’est affirmé grâce à ce premier long métrage comme l’une des valeurs sûres de ces prochaines années. Avec une maîtrise du cinéma psychologique frôlant l’excellence, Baumgartner et sa mise en scène clinique en impressionneront plus d’un.
Blaise Harrison
Il est sorti un peu de nulle part, avec «Les particules», présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Une première triomphale qui lui a permis de venir pointer le bout de son nez. Agé de 41 ans, diplômé de l’école cantonale d’art de Lausanne (ECAL) en 2003, sa carrière reste encore maigre, mais il est certain qu’il faudra compter sur lui pour la suite. Son premier long métrage prouve une maitrise évidente et cette fameuse patte qui le démarquera à n’en pas douter.
Niccolò Castelli
Niccolò Castelli a vu le jour en 1982, à Lugano. Le Tessinois de 38 ans a œuvré pour la télévision tessinoise (RSI) et n’est pas un total inconnu en Suisse romande, puisqu’il avait fait une petite incartade dans les salles grâce à son film documentaire sur la skieuse Lara Gut: «Looking for Sunshine». Castelli vient d’ailleurs d’ouvrir le Festival du Film de Soleure avec son dernier long métrage intitulé «Atlas» et se retrouve nominé dans la catégorie «Meilleur film de fiction» du Prix du cinéma suisse. Gentiment, mais sûrement, le diplômé de l’Université de Bologne avance et constitue une carrière de cinéaste intéressante, à surveiller de près.
Ramon et Silvan Zürcher
Des jumeaux qui ont ravi le jury de la dernière Berlinale. Les Zürcher ont claqué le prix de meilleur réalisateur dans la section Encounters. Une belle récompense pour un film sublimé par sa rigueur et sa gracieuse évocation de la complexité des relations humaines. Nommé «La jeune fille et l’araignée» - avec entre autres, l’actrice Henriette Confurius de «Tribes of Europa» -, l’œuvre marque l’avénement des frères Zürcher (Ramon et Silvan) en tant que cinéastes.
Ramon, né en 1982, s’est envolé pour Berlin afin d'étudier la réalisation cinématographique à l’Académie allemande du cinéma et de la télévision de Berlin (DFFB). Son premier long métrage est «L’étrange petit chat», son film de diplôme présenté en première mondiale au Berlinale Forum en 2013, remportant une reconnaissance internationale grâce à de nombreuses programmations dans différents festivals. Du côté de Silvan Zürcher, il s’est concentré sur la philosophie, le cinéma et l’allemand, de 2002 à 2008, aux universités de Berne et Zürich. Il rejoint son frère à Berlin - à la DFFB - pour étudier la production cinématographique. Les 2 inséparables frères Zürcher ont collaboré sur le même métrage - «L’étrange petit chat» et continuent à avancer main dans la main. Les jumeaux passent à l’échelon supérieur, réussissant à se fondre dans un cinéma psychologique spirituel et oblique, d’une ambiguïté pouvant assurément faire des étincelles.
Sarah Arnold
Âgée de 41 ans, Sarah Arnold a vécu une partie de son enfance sur un voilier entre l’Afrique et le Brésil. C’est en 2006 qu’elle finalise son diplôme à l’ENSAV de Toulouse et dans la foulée s’installe à Paris, pour travailler dans la production. En 2010 elle réalise son premier court métrage «Leçon de ténèbres», remarqué dans plusieurs festivals et reçoit même le Prix du Jury au festival de Turin.
Cerise sur le gâteau, en 2014 elle remporte le Pardino d’oro du court métrage à Locarno, dans la section nationale avec «Totems» et en 2017, Arnold embarque le prix du jury des jeunes toujours au festival de Locarno. Et alors qu' elle vient de présenter au festival international du court métrage de Clermont-Ferrand «L’effort commercial», il faudra attendre 2022 pour découvrir son premier long métrage intitulé «Wild Encounters». Nous voilà très impatients!
Leon Schwitter
Benny rejoint son père éloigné lors d’un voyage de vacances dans les montagnes. Pendant leur séjour, Benny réalise que son père a tourné le dos à la civilisation et veut le protéger du monde extérieur. C’est par ce synopsis que nous allons découvrir la première bobine de Leon Schwitter, un jeune cinéaste de 27 ans. Ce natif de Lenzburg (AG) a fondé la société de production EXIT Filmkollektiv, où il travaille et écrit. Encore méconnu, «Réduit», son film à la sauce «Captain Fantastic» pourrait nous faire découvrir un talent sur qui compter à l’avenir.
Simon Jaquemet
Il est peut-être l'un des plus fascinants à suivre en Suisse à ce jour. Le cinéaste est pétri de talent et sa popularité reste encore moindre par rapport à son potentiel. En témoigne son premier long métrage «Chrieg», présenté dans pléthore de festivals, si bien que Jaquemet est reparti du festival de Marrakech avec le prix du jury en 2014.
Son dernier film, non distribué en Romandie, «Der Unschuldige», était une belle réussite, un coup de pied dans la fourmilière d’une industrie helvétique qui stagne dans le cinéma documentaire et peinant à s’affirmer dans la fiction. Jaquemet a cette audace, cette palette pour gravir les échelons et devenir notre référence nationale derrière la caméra. Le Bâlois est attendu en 2022, avec «Electric Child» son tout nouveau métrage.
Tim Fehlbaum
Un Bâlois de 39 ans, diplômé de l’université de la télévision et du cinéma de Münich. Encore un Suisse qui s’est expatrié, pour parfaire ses gammes. Et Tim Fehlbaum a bien fait. Plusieurs courts plus tard, il sort «Hell», en 2011, un film d’horreur post-apocalyptique, dont Roland Emmerich («Independance Day», «2012») coiffait la casquette de producteur exécutif. Le métrage mettait en scène Lars Eidinger et Hannah Herzsprung et s’est même vu nominer aux «Oscars allemands» comme meilleur film.
En 2021, Tim Fehlbaum a fait sa première mondiale avec son tout nouveau film «Tides», une nouvelle odyssée post-apocalyptique et encore une fois produite par Roland Emmerich. Nous y découvrons l’histoire d’un astronaute envoyé sur Terre depuis une colonie spatiale, pour prendre une décision qui scellera le sort des habitants de la Terre. Assurément Fehlbaum nous galvanisera avec son cinéma puissant et tendu dans les horizons de juin 2021, surtout après une bande-annonce esthétiquement somptueuse.
Andreas Fontana
Lui aussi est né en 1982. Andreas Fontana a conclu une licence en Littérature Comparée à l’Université de Genève, avant de migrer à Buenos Aires pour poursuivre une formation d’assistant réalisation. En 2010, il termine un master en réalisation entre l’ECAL (Lausanne) et la HEAD (Genève). À présent et outre ses projets, Fontana fait également ses armes comme assistant de Jean-Stéphane Bron («L’expérience Blocher», «L’Opéra»).
Après plusieurs courts primés, il reçoit en 2016 la bourse SSA pour son premier long métrage «Azor». Avec au casting Stéphanie Cléau - impressionnante dans «La Chambre Bleue» et Fabrizio Rongione («Rose Island»), la nouvelle œuvre de Fontana a fait sa première mondiale à la dernière Berlinale, dans la section Encounters. L’histoire traite d’un banquier genevois parachuté dans une Argentine en pleine dictature. Un récit fait de cruauté et de mystère de la personnalité. Et une fois n’est pas coutume, le film est prévu aux alentours du mois de juin 2021.
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