Interview28. Februar 2018 Theo Metais
Malgorzata Szumowska, Grand Prix du Jury pour son film Twarz - #Berlinale 2018
Grand Prix du Jury, la réalisatrice polonaise Malgorzata Szumowska décroche une nouvelle statuette à Berlin pour son film “Twarz (Mug)”. Le bouleversant “Touch Me Not” de Adina Pintilie lui chaparde l’Or, mais son film n’en reste pas moins l’un des grands moments du festival. Nous avons eu le privilège de rencontrer la réalisatrice et le caméraman/scénariste Michał Englert quelques heures avant la remise des prix.
Malgorzata Szumowska: «Le point de départ c’était qu’une telle opération ne s’était encore produite qu’en Pologne et nous avons empaqueté l’histoire dans une allégorie plus globale sur le pays.»
Une première en Pologne, une première mondiale, c’était en 2013, la première greffe de visage pour sauver la vie d’un miraculé. Twarz raconte l’histoire bouleversante de Jacek, crinière heavy metal, un jeaneur et cuireux fondu de Metallica qui travaille dans une campagne à l'ouest de la Pologne, sur le chantier de la plus haute statue du Christ au monde. Mais alors qu’il taille la pierre du visage Saint, l'échafaudage tremble, la chute est abyssale, et il perdra le sien …
Malgorzata Szumowska: «Ce que nous voulions surtout aborder, c’était le sujet de l’identité. Il y a la figure centrale de cet homme à qui on transforme le visage et qui perd son identité auprès de son entourage. L’environnement de ce petit village polonais est extrêmement traditionnel et cela engendre inévitablement de la peur. Le film parle aussi d'intolérance. Par exemple, si vous demandez à ces gens ce qui les effraie le plus à l’heure actuelle, ils vous répondront les réfugiés. Le plus étrange c’est que nous n’en avons pas! Finalement, nous pourrions presque le résumer comme ça, le film parle de peur et d’intolérance.»
Et la satire est féroce. Attablés dans la chaumière, le schnaps délie les moeurs les plus disgracieuses et les vannes s’ouvrent: “C’est un noir, un juif et un musulman sur un bateau. Le bateau coule, qui est-ce qui gagne? La société!”. Les hommes s'esclaffent, avachis dans une vodka de trop et cette scène donnera le ton. Malgorzata Szumowska est sans répit. L’église en prendra aussi pour son grade et en ouverture, elle se permet une allégorie grotesque de l’ère post-communisme. C’est les soldes, des hommes et des femmes s’amassent en sous-vêtements dans les allées d’un supermarché et s'arrachent gratuitement les nouveaux téléviseurs …
Michał Englert: «Pour les anciens, le désir de possession est très présent. Qu’importe l’objet, si tant est que ce n’est pas cher, c’est une bonne raison pour acheter.»
Malgorzata Szumowska - «Même si cela existe toujours, j’imagine difficilement la nouvelle génération courir nue au travers d’un magasin pour acquérir un téléviseur. C’est un regard sur ma génération et celle d’avant. Ce sont deux générations problématiques vous savez. Elles sont complètement enlisées en Pologne (...) Le communisme s’est effondré quand j’avais 17 ans. Mais c’est vrai que l’on reste stigmatisé. La nouvelle génération c’est différent.»
Une farce satirique, corrosive mais tendre avec son personnage principal. Lui, le bouc émissaire que l’on ne reconnaît plus, s’était fiancé à Dagmara (Małgorzata Gorol), mais elle trompera la promesse maritale. Il faut encaisser la greffe. Dans cette galère, pas même sa mère, tout juste sa soeur (Agnieszka Podsiadlik) pour l’épauler. Le retour au bercail après une année d’hospitalisation est chargé de plomb. Mais une brutalité teintée de délicatesse à l’écriture sauvera le film du larmoyant.
Michał Englert: «Nous voulions plonger le film dans quelque chose de presque “sauvage”. Il fallait aussi ne jamais prolonger les moments émotionnellement forts, drôles ou encore critiques. Nous voulions que le film soit un objet de surprise et qu’il garde quelque chose de vital, à l’image de son personnage principal.»
Malgorzata Szumowska: «Je ne supporte pas les histoires mielleuses et moralisatrices. Je trouvais que cette narration donnerait de la hauteur et un peu de magie au film.»
Lorsque Jacek se reconstruit dans son village, l’émotion est vibrante. La caméra et le flou de certains plans rajoutent à la métaphysique du film. Une lumière de rêve se dégage et laissera le spectateur dans un velours onirique.
Michał Englert: «Le film porte l’idée d’une distorsion et d’un dysfonctionnement de la société. Avec ce procédé de flou, nous voulions aussi recentrer l’attention du spectateur et le rapprocher des personnages.»
Enfin, le film sera l’occasion de replonger dans le metal US des années 80.
Malgorzata Szumowska: «(Rires) Entre nous, je n’aime pas trop Metallica.»
Cineman: «Attendez, le tout premier album est génial!»
Michał Englert: «Je confirme!»
C’était notre Ours d’Or à nous, nous leurs dirons et ils répondront que le Wes Anderson (Isle Of Dogs) n’est pas mal non plus. Un autre film sur l’inconnu, la peur et l'indifférence! Et au rayon des projets à venir…
Malgorzata Szumowska: «Acteurs non professionnels, le film est déjà tourné et parle de 7 femmes polonaises en tour-operator au Maroc.»
Une confidence en dilettante, nous n’en saurons pas plus!
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